Encore feministes !

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Trop de magistrates ? action n°14 - 14 février 2003

 

Monsieur Dominique Perben, garde des Sceaux (ministre de la Justice français), a commenté à la radio la proportion importante de femmes dans la magistrature.
Voici la lettre que je lui ai envoyée. Je vous invite à réagir vous aussi. Vous pouvez prendre dans ce texte ce que vous souhaitez.

« Monsieur le Ministre,
Vous avez été interviewé, mercredi 5 février 2003, entre 8 h 15 et 8 h 30, sur Europe 1, par un journaliste qui vous a demandé votre réaction au sujet de la nouvelle promotion de l'École Nationale de la Magistrature, composée en grande majorité de femmes.
Vous avez exprimé votre "gêne" ; vous avez dit que cette féminisation allait "poser des problèmes d'organisation dans les tribunaux", à cause des "problèmes spécifiques qu'ont les femmes à concilier vie professionnelle et vie personnelle". Vous avez ajouté que, s'il y avait des "abus", des mesure devraient être prises ; que certains hommes, jugés exclusivement par des femmes, en concevraient un doute sur l'impartialité du jugement. Vous avez conclu en déclarant que vous étiez un fervent partisan de la parité, et que celle-ci devait aussi bénéficier aux hommes.

Monsieur le Ministre, les hauts magistrats sont dans leur grande majorité des hommes, et c’est aussi le cas des autres corps de l’État, du gouvernement, des élus (malgré la loi sur la parité) et, d’une manière générale, de tous les postes de direction. Les femmes, qui représentent plus de la moitié de la population, sont donc dans leur grande majorité subordonnées à des hommes : qui s’inquiète de l’éventuelle partialité de ceux-ci ?
En revanche, du côté des emplois à faible qualification, ou à temps partiel imposé — caissières de supermarché, personnels d’entretien ou de service —, et aussi parmi les chômeurs, les femmes bénéficient d’une prédominance insolente. Il est grand temps d’y mettre fin.
Les « problèmes d’organisation » dus aux « difficultés spécifiques des femmes à concilier vie professionnelle et vie personnelle » ne viendraient-ils pas du fait que les hommes n’assurent que 20 % des travaux ménagers et des soins aux personnes dépendantes ?
La maternité n’a-t-elle pas aussi une fonction sociale ? N’offre-t-elle pas un certain intérêt pour le financement des futures retraites ?
Quant à la parité entre hommes et femmes dans la magistrature, je vous propose un moyen simple pour y parvenir : augmentez les traitements des magistrats, qui sont à un niveau très bas, à qualification égale, par rapport à la haute fonction publique. Vous verrez que la profession attirera soudain davantage d’hommes !
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes sentiments les meilleurs.
Florence Montreynaud
Réseau "Encore féministes !"

à M. Dominique Perben, garde des Sceaux dominique.perben@justice.gouv.fr

LETTRES DE MEMBRES DU RÉSEAU

Je suis membre du réseau "Encore Féministes!" et j'ai donc été alerté par Florence Montreynaud sur des propos indignes d'un ministre que vous avez tenus sur Europe1. J'approuve entièrement la lettre qu'elle vous a envoyée; il est incroyable qu'au 21ème siècle on puisse avoir une si piètre idée des femmes. Je pense que ce n'est pas avec vous que les femmes auront les droits et la dignité qu'elles devraient déjà avoir depuis longtemps. Évidemment, comme tout le monde, j'espère de vous des excuses médiatiques.
Jean-François Debourg

Si je désire comme vous une parité bénéficiant autant aux hommes qu'aux femmes, notamment dans le domaine de la garde des enfants après divorce, je ne peux que regretter que vous fassiez de la prise en charge des enfants une préoccupation essentiellement de femmes, et que vous assimiliez cette prise en charge à des "problèmes de conciliation de vie professionnelle et de vie personnelle".
Et comment pouvez imaginer qu'aujourd'hui, les hommes puissent remettre en cause l'impartialité d'un jugement parce qu'il serait l'oeuvre d'une femme?
Camille de Singly

membre du Réseau "Encore féministes !"

Cette affirmation me donne quelques hauts-le-coeur : elle sous-entend que les femmes seraient "inférieures" aux hommes, puisque ces messieurs gèreraient mieux leurs vies personnelle et professionnelle apparemment...
Que sont donc ces "problèmes spécifiques" dont sont victimes les femmes ? Je serais curieuse de savoir si ce sont les enfants, les maris, ou autres (?). Ce ne serait pas très joli de considérer les deux premiers comme des "problèmes"... mais c'est peut-être le cas ?
Delphine Chautard

Monsieur le Ministre,
Dans un entretien sur Europe n°1 le mercredi 5 février, vous avez commenté la nouvelle promotion de l'École Nationale de la Magistrature, composée en grande majorité de femmes.
Votre pensée et vos propos me paraissent menacer l'objectivité de la justice française et témoigner d'une méconnaissance de la réalité de la situation des femmes dans le monde du travail, comme dans la société en général.
En effet, les études statistiques montrent l'absentéisme au travail n'est pas plus important chez les femmes que chez les hommes. Ceux qui entretiennent ce mythe servent les intérêts d'une domination masculine économique.
Poser que la conciliation de la vie professionnelle et de la vie personnelle concerne davantage les femmes que les hommes revient à naturaliser les rôles sociaux, et relève d'une idéologie.
Plus grave, vous semblez mettre en cause l'impartialité des jugements portés par des femmes envers des hommes. Une telle accusation demanderait à être étayée d'arguments, sinon de preuves, pour ne pas apparaître comme un procès d'intention, ou plus exactement, une diffamation. Les hommes, avez-vous dit, craindraient d'être jugés de façon impartiale. Ce souci de crédibiliser la justice me paraît louable. J'attire donc votre attention sur la population féminine qui, dans sa grande majorité a perdu confiance dans la justice masculine, et renonce à faire appel à cette justice en cas de violences masculines. 9 femmes sur 10 victime de viol ne portent pas plainte. Je reçois des femmes victimes de violences, dont certaines ont déjà eu recours à la justice. Je peux vous assurer qu'il y a pour vous un travail considérable à faire pour les convaincre de son impartialité. Il ne s'agit pas d'allégations infondées, l'existence de discriminations est, dans ce cas, facile à vérifier. La partialité de certains juges de sexe masculin, notamment en matière de violences, viols, incestes, et autres abus sexuels, est malheureusement largement démontrée, et dénoncée par certain-e-s magistrat-e-s. Vous pourrez consulter à ce sujet, par exemple, les rapports annuels du Collectif féministe contre le viol.
Pour rassurer les citoyens de sexe masculin ayant affaire à la justice - et les candidats masculins ayant échoué au concours -, comptez-vous interdire à moyen ou long terme la magistrature aux femmes ? Ou faire juger les hommes par des hommes ?
J'ai des doutes sur la sincérité des hommes politiques en matière de parité. Votre intervention tend à les confirmer, notamment lorsque vous utilisez le mot pour défendre les privilèges masculins. Quelles mesures proposez-vous pour lutter contre cette crainte, partagée par beaucoup de mes concitoyennes ?
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de mes sentiments distingués.
Hélène Marquié
Réseau encore féministes
Accueil de femmes victimes de violences masculines

(suite) - 3 mars 2003

LA PARITÉ ? PAS AU PRIX DE L’ILLÉGALITÉ !

Le réseau "Encore féministes !" a lancé le 14 février une action de protestation en réaction à des propos sexistes du ministre de la Justice français sur les magistrates (http://encorefeministes.free.fr/action14perben.php3).
Nous avons écrit en grand nombre et nous n’avons pas encore reçu de réponse. Plusieurs mouvements féministes ont repris à leur compte cette action du réseau "Encore féministes !"

Pour un concours administratif à un autre poste relevant du même ministère, une solution a été trouvée : est-ce pour prévenir une nouvelle « gêne » du ministre ?
Il s'agit du concours de directeur de services pénitentiaires dont les écrits ont eu lieu en décembre 2002, et les oraux en janvier 2003.
Après les écrits, sur copie anonyme, ont été admissibles 61 candidates et 23 candidats.
Après le passage des oraux, 7 candidates ont été admises. Et combien de candidats ? 7 aussi !
Comment s’explique cette miraculeuse parité ? Que s’est-il passé entre les écrits anonymes et les oraux, où les hommes sont subitement devenus bien meilleurs ?
Une candidate non admise a voulu en savoir plus. Comme d’autres femmes, elle avait eu une note éliminatoire aux oraux, tout en ayant obtenu au total davantage de points que le dernier candidat admis. Au téléphone, une personne de l'administration pénitentiaire lui a répondu que cette année le jury avait décidé de respecter la parité entre hommes et femmes...

Voici la lettre que je vous invite à adresser (adaptée à votre guise) à M. Dominique Perben, garde des Sceaux, 13 place Vendôme 75001 Paris et à dominique.perben@justice.gouv.fr

« Monsieur le ministre,
J’apprends les résultats du dernier concours de directeur de services pénitentiaires, caractérisés par la parité hommes-femmes parmi les candidats reçus, alors que, à l’issue des épreuves écrites anonymes, les candidats admissibles étaient des femmes pour les deux tiers.
Je m’étonne que plusieurs femmes admissibles aient eu une note éliminatoire à l’une des épreuves orales, tandis qu’elles ont obtenu au total davantage de points que le dernier candidat admis.
Le système des concours de la République française se caractérise par son objectif de protection de l'égalité d'accès de tous à la fonction publique.
Je m’interroge sur les consignes qui auraient pu être données au jury de ce concours pour arriver à ce résultat choquant du point de vue de la justice et de l’égalité entre tous les candidats, quel que soit leur sexe.

Avec le réseau "Encore féministes !", je vous avais écrit le 14 février dernier au sujet de la « gêne » que vous aviez exprimée touchant l’augmentation des femmes dans la magistrature, ainsi que de vos commentaires sexistes sur cette situation.
J’attends votre réponse, et je vous exprime de surcroît mon inquiétude au sujet de cet autre concours, relevant d’un autre service de votre ministère, où il semble que des méthodes illégales aient été mises en œuvre pour atteindre la parité à laquelle vous avez dit être attaché.
Je vous serais obligée de me faire savoir quelles mesures vous comptez prendre afin que soient rétablis les principes de justice et d’égalité entre les candidats aux prochains concours de votre ministère.
»

Bonne écriture ! Envoyez-moi une copie de votre courriel, s’il est différent de cette lettre, et je le mettrai sur le site. Écrivez aussi au ministre par la poste, c’est plus efficace.
Pensez aux jeunes femmes qui préparent des concours et qui se disent : « À quoi bon ? Même si je fais tous les efforts nécessaires, même si je suis meilleure que bien des candidats, il se peut qu’ils soient admis et moi non, pour la seule raison que je suis une femme. » Quel scandale ! Quelle injustice ! Nos prédécessœurs féministes ont lutté pour que tous les concours soient ouverts aux femmes. Ils le sont depuis peu, et voilà que les portes se referment !
C’est injuste, c’est intolérable. Ne le tolérons pas !

Monsieur le Ministre,
J'ai appris les résultats du dernier concours de directeur de services pénitentiaires. Bien qu'à l'issue des épreuves écrites anonymes, les admissibles aient été des femmes pour les deux tiers, elles n'étaient plus que 50% parmi les admises, à l'issue des épreuves orales, donc non anonymes. Plusieurs femmes admissibles ont eu une note éliminatoire à l'une des épreuves orales, alors qu'elles avaient obtenu au total davantage de points que le dernier candidat admis. Il s'agit là très clairement d'une mesure destinée à les éliminer de la liste définitive.
Compte-tenu des propos discriminatoires que vous avez récemment tenus à l'égard des femmes - et sur lesquels vous ne vous êtes pas expliqué -, il est difficile de ne pas voir dans ces faits une mise en pratique de théories selon lesquelles le pouvoir devrait rester masculin dans le monde de la justice.
Je n'ai pas entendu dire que des hommes aient été éliminés des listes d'admissions de l'École polytechnique, de Saint-Cyr, ou de l'ENA, afin de garantir la parité parmi les reçus.
Ces faits ainsi que vos prises de positions témoignent d'une réaction contre les femmes qui nous ramène plusieurs décennies en arrière.
De tels faits sont particulièrement graves, car ils remettent en question les fondements de nos institutions, en particulier le fonctionnement des concours de la fonction publique, qui doivent garantir l'égal accès de toutes et de tous, selon leurs mérites. Lorsqu'une institution - à plus forte raison le Ministère de la justice - met en oeuvre des pratiques discriminatoires illégales, c'est toute la politique d'un gouvernement qui est contaminée et gravement discréditée.
Je souhaiterais connaître quelles mesures vous comptez prendre pour rétablir les bases élémentaires de la justice et de l'égalité dans les services dépendant de votre ministère.
Veuillez recevoir, Monsieur le Ministre, l'expression de mes sincères salutations.
Hélène Marquié

Plutôt que de cautionner implicitement un schéma archaïque et destructeur aussi bien pour les femmes que pour les hommes et les enfants (l'homme travaille et se perd à l'extérieur, la femme s'étiole à la maison et les enfants souffrent d'une mère trop présente et d'un père trop absent), la féminisation d'une profession comme celle de magistrat-e est peut-être une occasion unique de réfléchir à une organisation du travail qui permette de concilier vie sociale et vie privées, qui sont nécessaire à l'épanouissement de tous et de toutes.
Françoise Hatchuel, 15 fév. 03

Monsieur le Ministre,
J'apprends que lors du concours de recrutement des directeurs de services pénitentiers, vous avez donné instructions de pratiquer la discrimination entre les sexes afin de rétablir l'égalité entre les candidats promus de sexe masculin & féminin.
Soit, mais je m'étonne que cette discrimination active ne fonctionne que dans les cas fort rares où elle bénéficie aux hommes.
Dans l'immense majorité des situations dans notre pays, les règles sont continuellement en faveur des hommes, avec des femmes absentes ou sous représentées, et curieusement, point n'est question de discrimination active en leur faveur. Certains métiers sont exclusivement masculins (ingénieurs, techniciens...) et aucun encouragement, contrairement à d'autres pays, n'est envoyé aux femmes pour partager ce types d'activités.
Il suffit également de regarder nos institutions politiques pour constater l'effroyable retard en matière de partage des responsabilités publiques entre les 2 sexes. Le désolant spectacle de nos parlement et gouvernement, composés à trés haute majorité d'hommes, me remplit d'horreur. Je suis outrée que mes impôts servent à entretenir une telle tyrannie.
Quand à la Présidence, ne conviendrait elle pas qu'un jour, elle soit assumée par une femme ?
A raison, nos voisins européens nous considèrent comme un pays macho, rétrograde, arriéré, anarchique, aux manières grossières, bureaucratique, croulant sous les taxes...
En tant que Ministre de la Justice, vous utilisez à mauvais escient la politique de discrimination active. Elle doit légalement bénéficier aux 2 sexes.
A défaut, vous opérez dans l'illégalité la plus totale, comble du ridicule pour un Minstre de la Justice.
Je sais qu'il n'est pas indispensable d'avoir étudié le droit pour diriger ce ministère, mais quand même. Je vous propose donc de méditer sur le sens du mot "justice".
Sachez que je ne me déplacerai plus aux urnes, pour une politique aussi arriérée et décevante.
Salutations distinguées,
A. Morel, 4 mars 2003


Billet de Janine PERRIMOND sur RTL, 5 mars 03
Monsieur le Ministre de la Justice, ce que vous avez dit récemment, n'est pas sympa. Ni juste. Il y a un problème, avez-vous dit, c'est qu'à 8O % ce sont des femmes qui réussissent au concours pour devenir magistrat. Et alors ? et alors, les congés de maternité, pardi ! Franchement, on ne savait pas qu'un argument aussi éculé avait encore cours. Et puis, selon vous, des hommes, jugés par des femmes, pourraient douter de l'impartialité de leurs jugements. Ca alors ! Depuis la nuit des temps, jusqu'à une période récente, les femmes ont été gouvernées, représentées,soignées, dirigées, jugées uniquement par des hommes. Alors maintenant, UN justiciable devant UNE magistrate.. il faudrait s'alarmer... Vraiment ?
Mais il y a plus grave. Des féministes craignent, Mr le ministre, que dans vos services on ait porté atteinte à l'égalité républicaine, à l'occasion d'un concours. Pour des postes de directeurs. Là (comme ailleurs,) les femmes admises à l'oral étaient bien plus nombreuses que les hommes. A cet oral, quelques candidaTES ont récolté beaucoup de points.. mais aussi, bizarrement, une note éliminatoire. Résultat : Autant d'hommes, que de femmes admis, 7 partout. A une candidate qui s'en étonnait, une employée a répondu - naïvement- au téléphone.. " le jury a voulu respecter la parité hommes-femmes " ! Est-ce la bonne interprétation ? En tout cas, quant on pense aux remous , à l'hostilité suscitée par la loi sur la parité en politique...! ( Pour un résultat d'ailleurs piteux, les femmes sont passées de 11 à 12 % des députés..) Apparemment, la parité, les quotas, ça marche mieux pour protéger les hommes, que les femmes. J'espère qu'il en est de même, M. le Ministre, pour les gens qui nettoient les bureaux de la Chancellerie. Qu'aucun candicat à ce poste-là n'est désavantagé ! Et puis un mot à l'intention des jeunes filles qui bossent pour des concours : Qu'elles ne se découragent pas. ” Enfin, c'est juste mon avis…

Monsieur le Ministre
j'apprends avec stupéfaction que vous veillez à la parité des admis aux concours, de sorte que des hommes moins compétents que des candidates soient admis.
Jusqu'alors, seuls les concours permettaient aux femmes de faire valoir leurs compétences, alors que les accés autres que par concours aux fonctions de responsabilité, en particulier dans la Fonction Publique, leur étaient barrés.
Nous n'avions encore vu que des nominations d'hommes à des postes brigués par des femmes aussi compétentes qu'eux. Vous avez fait encore mieux : vous choisissez des hommes malgré leur moindre compétence. Et vous avez l'audace d'invoquer la Parité !
Eh bien je dis chiche !
Et vous prie de remédier rapidement aux discriminations qui font que : "il y a aujourd'hui 6 femmes préfets pour 116 hommes, 7 femmes recteurs pour 22 hommes, 31 directrices d'administration centrale pour 145 hommes, 6 femmes trésorières payeuses générales pour 107 TPG..."(rapport du Comité de pilotage chargé d'étudier les conditions de l'égal accès des femmes et des hommes aux emplois supérieurs, in La Documentation Française, Février 2002).
Dans l'analyse des raisons qui président à ce phénomène dans la Fonction Publique est pointé, au stade des nominations, le recrutement, essentiellement masculin, se faisant "par de petits noyaux qui nomment dans leur entourage". Les réseaux masculins fonctionnent sans retenue et cooptent des hommes écartant des femmes au moins aussi compétentes. Vous venez de donner une preuve éclatante, sans conteste et publique de cette discrimination qui auparavant se cachait dans les couloirs des ministères.
Quelle confiance pouvons-nous avoir dans cette fonction Publique qui privilégie le sexe à la compétence ?
J'espère que le zèle que vous avez mis pour préserver une parité masculine va se manifester pour doter notre pays des compétences qui ne demandent qu'à le servir, au lieu de rester en friche à cause de tenants de la Parité à sens unique comme vous.
Eliane Crouzet, Nîmes, 10 mars 2003

Je m'étonne que vous n'ayez pas daigné répondre à nos premiers courriers, par la voie de l'Association "Encore Féministes". La pratique en cause est en effet contraire aux principes des concours républicains devenus mixtes. Elle constitue une pratique discriminatoire contre les femmes, ce qui est contraire à nos principes constitutionnels. Faudra t-il une action en justice pour faire invalider ce concours et des textes explicatifs sur le principe de parité qui ne doit pas être source de nouvelles discriminations? Ce principe de parité était mis en avant pour les listes électorales et le partage du pouvoir politique. On sait ce qu'il en est advenu. Il n'est pas question que le "mérite" puisse être remis en cause sous prétexte de parité. Ou alors soyez clair: revenez aux concours non mixtes, annoncez les nombres de postes pour hommes et pour femmes. Recruter des hommes moins compétents que des femmes au moment du concours, est-ce votre conception de l'intérêt public?
Salutations citoyennes
C. Gervois, 3 mars 2003

J’ai reçu une réponse du Ministère délégué à la Parité et à l'Egalité Professionnelle, suite aux deux lettres que j'avais adressées : l'une suite aux propos sexistes de Dominique Perben au sujet de la nouvelle promotion de l'École Nationale de la Magistrature, composée en grande majorité de femmes, l'autre suite aux résultats du dernier concours de directeur de services pénitentiaires.

Elle m'a extrêmement énervée par la mauvaise foi des différents arguments donnés :

- notamment que pour juger du "fait de se préoccuper des conséquences du recrutement en termes d'organisation future des juridictions", il ne prenne pas en considération les moyens envisagés par le Ministre pour y parvenir, qui sont clairement discrimininatoires (diminuer le nombre de femmes au niveau de l'Ecole Nationale de la Magistrature, femmes qui, de par leur sexe, ont des "problèmes spécifiques" à concilier vie professionnelle et vie familiale !). C'est-à-dire appliquer la parité au niveau qui arrange le Ministre. En effet sa technique est la suivante : là où il y a "trop" de femmes, on applique la parité, mais par contre pas aux niveaux où ce sont les hommes qui sont majoritaires (par exemple au niveau de la haute magistrature). De plus, ce n'est bien sûr pas la bonne façon de régler le problème de la répartition inégale des tâches domestiques, en supprimant de la sorte l'une de ces conséquences gênantes. Cela me fait penser au chômage que certains veulent "résoudre" en renvoyant les femmes à la maison.

- le comble de la mauvaise foi étant l'explication donnée pour la différence entre les proportions à l'admissibilité et à l'admission aux concours : cela "peut notamment s'expliquer par la nature différente des épreuves à l'écrit et l'oral". Bien sûr, on a souvent entendu parler que les femmes étaient tellement mauvaises à l'oral que d'une proportion féminine beaucoup plus grande au niveau de l'admissibilité, cette différence s'annule finalement complètement après le passage de l'oral !!!
Je vois bien certes une vraie différence entre les épreuves écrites et orales, c'est l'absence d'anonymat, tout du moins l'absence d'inconnue sur le sexe du candidat !.

- "Ce qui est essentiel, c'est le respect de l'égalité réelle et de l'équilibre de la société" : sans doute veut-il dire qu'il y a aujourd'hui autant d'hommes que de femmes, directeurs-trices de services pénitentiaires ? Parce que sinon, la technique de Dominique Perben n'est quand même pas le meilleur moyen pour arriver à cet "équilibre" !

Si le Ministère délégué à la Parité et à l'Egalité Professionnelle ne veut pas voir les illégalités et les injustices sur l'égal accès professionnel des hommes et des femmes, à qui pouvons-nous bien nous adresser ???
Carole Ledoux, 21 mars 2003



Réponse du ministre parvenue par courriel le 28 mars 2003

Madame/Monsieur,

Je tiens à répondre à votre mail sur un sujet qui me tient à cœur : la Justice et la Parité.

Votre message émet des doutes sur le déroulement du dernier concours de directeur des services pénitentiaires.

En premier lieu, je souhaite vous informer qu’au sein de l’Administration pénitentiaire, qui est investie d’une mission essentielle, l’exécution des décisions de la justice, la féminisation des cadres supérieurs est en bonne voie. En effet, 34 % des directeurs d’établissement sont des femmes, dans un secteur où il y a en tout 24 % de femmes et où nous allons beaucoup recruter dans les années à venir.

Par ailleurs, je ne peux laisser mettre en cause l’honneur et la probité du jury d’un concours républicain.

Je précise que la composition de ce jury est parfaitement équilibrée : 4 hommes et 4 femmes en 2003, et qu’il est assisté d’un psychologue pour les épreuves orales. Certaines de ces épreuves tendent à apprécier les réactions des candidats et candidates sélectionnés à l’écrit notamment sur leurs connaissances et sur leurs raisonnements juridiques, face à des situations de crise ou de prise de décisions difficiles dans des conditions semblables à celles qu’ils ou elles auront à affronter dans l’exercice de leurs fonctions.

Des événements récents viennent rappeler, si besoin était, que ce type de situation peut survenir à tout moment.

Je veux enfin vous communiquer les vrais chiffres de ce concours : 299 hommes et 325 femmes se sont présentés au concours ; 71 femmes (soit 63.39 % de l’ensemble des admissibles ) et 41 hommes ont été admis à passer l’oral. 9 femmes (soit 47,37 %) et 10 hommes ont été reçus. Il faut replacer ces chiffres dans la continuité des années précédentes. L’an dernier 9 femmes et 11 hommes ont été reçus. En 2001, 5 hommes et 9 femmes. En 2000, 4 hommes et 17 femmes. En 1999, 8 hommes et 7 femmes.

Vous pouvez constater que le jury sélectionne les candidats et les candidates sur le seul fondement de leur aptitude à exercer les fonctions difficiles et exigeantes auxquelles mène ce concours.

Bien sincèrement à vous.
Dominique PERBEN
Garde des Sceaux, Ministre de la Justice

19/03/2003
Madame,

Je tiens à répondre à votre mail sur un sujet qui me tient à cœur : la Justice et la Parité.

Mais je souhaite vous faire observer au préalable que les propos que vous me prêtez ne sont pas ceux que j’ai tenus.

Il me semble notamment que vous confondez mes propres déclarations avec des questions qui m’ont été posées ou d’autres commentaires.

Il ne saurait être notamment question, pour le Garde des Sceaux que je suis, de mettre en cause l’impartialité et la qualité des jugements des magistrats que je mets bien au contraire, un point d’honneur à défendre en toute circonstance.

L’article VI de la déclaration de 1789 dispose : « tous les citoyens sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leur vertu et de leur talent ».

Ce principe fondamental revêt pour moi une importance essentielle.

Les femmes qui s’engagent, avec passion, dans les métiers de la justice et du droit, des métiers difficiles et exposés, le font avec beaucoup de détermination, de courage et de dévouement. Elles sont nombreuses à réussir avec talent et je m’en félicite.

La nouvelle promotion de l’Ecole Nationale de la Magistrature vient de prêter serment. Je suis allé à Bordeaux participer à cette cérémonie et féliciter les auditeurs de justice. Car ces futurs magistrats ont réussi un concours très sélectif, l’un des plus difficiles de la République, qui prépare à l’exercice d’un métier prestigieux et très exigeant.

Vous trouverez ci-joint le discours que j’ai prononcé à cette occasion.

Cette promotion compte 80 % de femmes. C’est une situation d’autant plus remarquable qu’elle tend à rééquilibrer en quelque sorte un retard historique.

En effet, longtemps écartées du corps des juges parce qu’elles ne disposaient pas du droit de vote, les femmes n’y sont entrées que très tard, à la faveur d’une loi du 11 avril 1946.

Aujourd’hui, la parité est parfaitement respectée au sein de la magistrature dans son ensemble. Pour la première fois en 2002, le pourcentage des femmes y dépasse celui des hommes (50, 6 %) et cette tendance s’accentue (51,3 % en 2003). La parité est également respectée au sein du Ministère de la Justice dans son ensemble, à 50-50. Ce qui place le ministère un peu en dessous de la fonction publique de l’Etat, qui compte 55,2 % de femmes.

C’est une évolution générale. Toutefois la présence des femmes dans les différents corps et métiers est relativement contrastée.

Certains corps se féminisent : outre les magistrats, les greffiers, le personnel administratif, les éducateurs, les conseillers et assistants de services sociaux, le personnel chargé de l’insertion. D’autres restent marqués par une forte dominance masculine : notamment les corps techniques et les surveillants pénitentiaires.

Enfin, il est vrai que l’écart est toujours relativement important au ministère de la justice comme dans la fonction publique en général entre hommes et femmes au sein de l’encadrement, où l’on trouve encore une large majorité d’hommes aux postes de responsabilités : 16,5 % de femmes à ces postes seulement en 2000.

C’est pourquoi, j’ai pris l’initiative de mettre en place un observatoire des carrières de la justice, chargé d’étudier les évolutions de carrières et de faire des propositions sur la place des femmes dans les métiers de la justice.

Je suis convaincu qu’il y a naturellement beaucoup à faire, pour faire progresser concrètement la cause des femmes, au sein de la justice. Mais aussi en politique, où la parité est loin d’avoir tenu toutes les promesses, tous les espoirs qu’elle a suscités.

Il y a aussi beaucoup à faire, j’espère que vous en conviendrez, et c’est une priorité de mon action au ministère de la justice, pour mieux protéger, mieux accueillir les femmes victimes de violences dans notre société, mieux sanctionner les auteurs de ces violences, et mieux prévenir ce fléau.

Bien sincèrement à vous.
Dominique PERBEN
Garde des Sceaux, Ministre de la Justice



La réponse du ministre nous paraît insatisfaisante. Il ne conteste pas que les femmes ont été notées beaucoup plus sévèrement à l’oral qu’à l’écrit anonyme.
Les personnes qui l’ont entendu à la radio maintiennent ce qu’elles ont rapporté. La station n’a pas conservé d’enregistrement.
Le ministre déclare que « la parité est parfaitement respectée au sein de la magistrature ». Ce n’est pas la question. Les postes de pouvoir sont toujours majoritairement occupés par des hommes.