Et la prostitution ?
Encore une bonne raison d'être "Encore féministes !"
Rêvons d'un monde sans prostitution…

« Il me déplaît qu'une créature croie pouvoir escompter mon désir, le prévoir, mécaniquement s'adapter à ce qu'elle suppose mon choix. Ce reflet imbécile et déformé de moi-même que m'offre à ces moments une cervelle humaine me ferait préférer les tristes effets de l'ascétisme. » Marguerite Yourcenar, Mémoires d'Hadrien, 1951, Folio, p. 24

"Payer pour ça, c'est nul!"
Témoignages d’hommes

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Philippe Barraud, journaliste, Lausanne, Suisse, 26 juillet 2002
Pour moi, mettre l'amour et l'argent sur un même niveau, c'est-à-dire dans une transaction économique ordinaire, suffit à tuer le désir, puisqu'il n'est évidemment pas partagé.
Or je ne conçois pas de sexualité sans partage du désir, puisque c'est ce qui lui donne son intensité.
Le désir de la femme achetée est inexistant, celui de l'acheteur porte non sur une personne, mais sur des morceaux de corps, des organes.
Sachant d'avance que tout sonnera faux dans ce lugubre cérémonial — les mots, les gestes, les attitudes —, et qu'il faudra laborieusement simuler une intimité que ni l'un ni l'autre ne veut réellement, l'acte ne peut relever, au mieux, que du soulagement, au sens où on l'entend lorsque l'on va se soulager aux toilettes...
Le fait d'autre part de savoir que l'affaire sera strictement minutée est un autre tue-l'amour particulièrement dévastateur.
Il y a aussi l'idée, protestante si l'on veut, que l'argent salit tout ce qu'il touche, et qu'on ne peut pas tout acheter, surtout pas l'amour.
Vous me direz: ce n'est pas d'amour qu'il s'agit, mais de sexe. Sans doute, mais ma conception de la sexualité est indissociable de l'amour. Le désir vise une personne dans son ensemble — ce qui implique qu'on la connaisse, qu'on l'ait découverte petit à petit, qu'on ait fantasmé à son sujet — et non juste son sexe. C'est en somme la démarche inverse de celle de l'acheteur, qui ne veut rien savoir de la personne qu'il a en face de lui.
Raison moins reluisante peut-être : "Ce sont les frustrés, les moches, les laissés-pour-compte qui vont aux putes. Moi, je ne vais tout de même pas tomber aussi bas… Le jour où je devrai payer pour ça, ce sera grave! etc..."

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Sylvère Labis, informaticien, Paris, 8 août 2002
En allant avec des camarades à une visite de chantier, nous passons par le bois de Vincennes. Celui qui conduit me dit : - « T'as de l'argent ? » - « Pourquoi ? » - « Ça te dit, une petite pipe ? » - « Non ! Je suis contre ! »
Nous longeons une camionnette stationnée sur le trottoir ; il s'arrête pour jeter un coup d’œil sur la femme au volant, puis il passe lentement le long des autres véhicules. Je lui dis : - « Une fois que j'étais en stage à Amsterdam, l'ingénieur qui m'accompagnait m'a proposé de venir avec lui voir les filles dans les vitrines. J'ai répondu que je n'étais pas là pour ça. » - « Ah bon, dit mon camarade, t'aimes pas les putes ? » - « Je n'ai rien contre ces pauvres filles, c'est les clients qui me débectent. Et les proxénètes, une balle dans la tête c'est tout ce qu'ils méritent. » - « Alors, t'aimes pas le cul ! » - « Ça n'a rien à voir ! Je suis contre la prostitution. Aller voir les prostituées, c'est profiter de la misère. Je suis contre toutes les exploitations. » Là, je savais que je touchais juste en parlant comme ça à un communiste.
« Il y aurait plein de viols si la prostitution n'existait pas ! » - « C'est faux... ! » Et alors là, je lui ai raconté ce que j’avais appris à une émission sur Arte : - « En Angleterre, quand les Américains préparaient le débarquement en Normandie, les Anglais n'ont pas monté plein de bordels. Ils ont inventé le planning familial et ont mis un peu en veilleuse les traditions. C'est comme ça qu'on fait dans un pays civilisé. »
Il a repris : « Mais elles ont le choix ! » - « Quel choix ? Elles vivent dans la rue. Les gens qui vivent dans la rue sont à la merci des voyous qui savent que ceux qu'ils détroussent n'oseront pas aller se plaindre. Et que s'ils y vont, les flics leur rigoleront au nez. » - « Elles font ça pour s'acheter de la drogue. » - « Ce sont les maquereaux qui les droguent pour les avoir à leur merci. Quand elles ne trouvent plus de clients, et si elles n'ont pas le sida, elles sont dans la misère. Tout ce qu'elles ont gagné leur a été pris par ceux qui les exploitent. » - « Alors, toi, tu ne penses pas comme tout le monde ! » - « Je me fous d'être ridicule ! »
À ce moment-là, le Portugais, à côté de moi, qui était resté silencieux, me dit : « Moi, je ne te trouve pas ridicule . »

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Plus que de payer pour les services d’une prostituée, ce qui est nul, c’est d’avoir recours aux services sexués d’une femme qui n’éprouve et n’exprime aucun désir sexuel.
Quelle aberration ! Autant s’adresser à une poissonnerie en demandant du pain ! Quel abruti, quel désœuvré, quel ravagé faut-il être, pour demander à une prostituée ce qu’on ne trouve que chez une femme aimante, car aimée!
Que s’imagine donc le client d’une prostituée ? qu’il peut être au paradis au creux d’une femme qui est en enfer ?
Ce que le client paie, ce n’est pas une relation sexuelle, mais une relation génitale. Ce que le client paie, ce n’est pas le contact avec une femme, mais le contact avec un cadavre encore chaud. Ce que le client fait, ce n’est pas de l’amour à bon marché, mais de la nécrophilie à rebours. Assurément les vautours sont plus nobles dans leur fonction que les clients dans leurs pulsions.
Au-delà la relation génitale, ne plus payer pour une femme, c’est, pour un homme, se libérer de la femme, d’un ordre social qui le contraint à payer de sa personne pour tout ce qu’il est, pour tout ce qu’il a, pour tout ce qu’il fait. Au-delà sa petite personne, ne plus payer pour une femme, c’est aussi redonner à la femme sa liberté. C’est effacer d’entre l’homme et la femme tout rapport d’argent pour que la relation véritable, humaine, affective, sexuelle, s’établisse, enfin, vraiment, bien au-delà de toute espérance.

Car enfin ! qui aime serrer une main tendue avec dégoût ? Qui aime recevoir le baiser d’une femme contrainte à embrasser ? Qui aime être grugé par une fausse déclaration d’amour ? Qui aime vivre dans le mensonge ? Qui aime faire l’objet d’une escroquerie ? Qui aime “ prendre par derrière ” et “ se faire prendre par derrière ” ? Le client d’une prostituée.

Et cependant, quel client avalerait avec plaisir un plat réputé de gourmet, servi avec un sourire, mais dans lequel le cuisinier aurait craché et uriné ? Peut-être un abruti de première, un niais, un débile, un animal, et encore ! En tout cas, aucun client de prostituée. Et pourtant, voilà bien ce que fait le client d’une prostituée : avaler une pitance industrielle, confectionnée sans passion, sans art, sans amour, et pire, avec mépris et dégoût ; une pitance empoisonnée.
Bon appétit, mangeur de vomi !

Hé, Client ! la prochaine fois que tu iras faire dans ton froc en te collant à une prostituée, je te suggère d’emporter un miroir avec toi, et de te regarder en train de la souiller.
Si tu n’es pas dégoûté par ce que tu verras, jette-toi dans un cabinet et tire la chasse.
Si tu n’aimes pas ce que tu vois, ouvre les yeux sur toi et cours vite loin de là où tu seras. Cours vite faire de toi un homme. Tu verras alors les femmes te désirer autant que tu pourras les désirer. Et tu sais quoi ? Tu n’auras plus un centime à débourser, car les mots de ta bouche et la profondeur de ton regard suffiront à les faire t’aimer, corps et âme, éperdument.

Un ancien client qui n’a jamais aimé ce qu’il faisait et qui a choisi la deuxième voie pour ne pas finir suicidé. (25 fév. 03)


à suivre…

Voir aussi l'action n°8 "NON aux 'maisons closes' !"
Des textes de Florence Montreynaud sur la prostitution