Encore feministes !

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Vive le Québec… féministe !

Pour la commémoration à Paris du massacre de la Polytechnique, cliquez ici !

Premières impressions du Québec, par Florence Montreynaud (sept. 2002)

Le Québec, terre promise du féminisme ? C’est ce que je pensais en m’envolant vers Montréal, pleine d’admiration pour ces « Québécoises deboutte », expression que je lisais dans les publications féministes des années soixante-dix. C’était la première fois que je me rendais au Québec, invitée par le Conseil du statut de la femme (présidé par Diane Lavallée, cf. plus bas), à l’occasion de la publication d’un numéro spécial de La Gazette des femmes sur le thème « Vaut-il mieux être femme en France ou au Québec ? » Réponse, certes argumentée, mais selon moi un peu trop diplomatique : « Match nul ». Même si j’ai perdu quelques illusions, j’estime toujours, dussé-je faire augmenter le nombre des 3 000 Français-es qui s’y installent chaque année, que la balance penche en faveur du Québec.
Après des siècles de conservatisme catholique et de familles très nombreuses, la modernisation de la société québécoise a été si rapide depuis les années soixante que la France, avec son machisme et ses inégalités solidement ancrés, me semble dépassée.

UN FÉMINISME D’ÉTAT
Le Québec ! Imaginez un pays de 7 millions d’habitants où on parle français, un français vivant et sensé. La ministre, la députée, ou l’écrivaine ne suscitent pas de réactions machistes, qu’il s’agisse de leur titre ou de leur personne. Quand des femmes compétentes exercent des fonctions, elles sont, s’il y a lieu, critiquées à propos de leur action et non attaquées sur leur apparence physique ou sur leur sexualité présumée. Aucune autorité ne tente de les nommer au masculin ; dès mon retour en France, j’apprends que le cabinet d’un ministre du nouveau gouvernement a diffusé à ses services des « consignes impératives », parmi lesquelles « plus de féminisation dans les titres, reprendre Madame le Ministre, Madame le Député »…
Curieusement, des titres officiels québécois conservent des expressions des années soixante, comme « condition féminine » ou Conseil du statut de « la » femme, alors qu’en Europe on emploie plutôt droits des femmes, égalité, ou égalité des chances. Les réalités que recouvrent les titres québécois sont pourtant des plus modernes. Il s’agit de ce qui est appelé féminisme d’État, c’est-à-dire un ensemble de structures unique au monde ; on peut trouver l’une ou l’autre dans tel ou tel pays d’Europe, mais leur rassemblement leur donne une efficacité remarquable. Quel contraste avec la France où le féminisme est presque toujours vu comme ringard et dépassé !
Le Conseil du statut de la femme (CSF) est un organisme public, qui a toujours été présidé par des femmes à forte personnalité ; après Diane Lemieux, aujourd’hui ministre d’État à la Culture, la présidente actuelle, Diane Lavallée, est une ancienne syndicaliste très connue : quand elle avait une trentaine d’années, elle a présidé la Fédération des Infirmières du Québec, et elle a unifié les trois syndicats que comptait cette profession.
Le CSF est composé de dix membres nommés par différents groupes (associations de femmes, universitaires, syndicats). Il dispose d’un personnel qualifié et nombreux (64 personnes), d’un budget annuel de 4 millions de dollars (1 dollar canadien = 0,80 euro) et d’un centre de documentation très bien fourni. Il publie depuis 1979 La Gazette des femmes, magazine féministe bimestriel de bonne tenue, destiné au grand public, tiré à 25 000 exemplaires et vendu en kiosque.
Le CSF décerne depuis 2002 un prix annuel, ISO-familles, qui récompense une entreprise ayant pris des mesures facilitant à ses employé-es la conciliation travail-famille. Chaque prix est doté d’un parrain et d’une marraine : en 2003, il s’agit de Gilles Taillon, président du Conseil du patronat, et de Claudette Carbonneau, présidente de la CSN, important syndicat présidé par une femme pour la première fois de son histoire.
Le Conseil entretient des relations avec des chercheuses et des universitaires — les études féministes ont une place reconnue, par exemple la chaire Claire-Bonenfant, à l’Université Laval (Québec), dirigée par Pierrette Bouchard. Il leur commande des rapports, afin de préparer des décisions politiques du gouvernement. Ainsi, un excellent rapport, dû à Ginette Plamondon, a été publié en mai 2002, sur un sujet qui donne lieu à des débats animés : la prostitution ; comme en Europe, les féministes sont divisées entre celles qui voudraient une reconnaissance du métier de « travailleuse du sexe », et celles qui dénoncent ce fondement de la domination machiste. Le rapport présente les différents aspects du problème, ainsi que les positions en présence. Quand le sujet est plus consensuel, l’auteure présente des propositions plus précises.
Le gouvernement comprend une ministre à la Condition féminine (actuellement Linda Goupil, qui est aussi ministre d'État à la Solidarité sociale, à la Famille et à l'Enfance), et les services officiels sont dirigés par une sous-ministre (Pauline Gingras), dont le titre équivaut en France à directrice d’administration.
Des subventions sont accordées aux associations féminines et féministes qui sont très nombreuses : au centre de documentation de la Maison Parent-Roback, à Montréal, on tient à jour une liste qui en comprend un bon millier. La Marche mondiale des femmes, qui s’est déroulée en 2000 sur les cinq continents, et au cours de laquelle des millions de femmes ont marché contre la pauvreté et les violences faites aux femmes, avait été lancée et organisée par la Fédération des femmes du Québec, sous la présidence de Françoise David, à laquelle a succédé Vivian Barbot. Françoise David travaille aujourd’hui dans un organisme, « Au bas de l’échelle », qui aide des travailleurs (surtout des femmes) non qualifiés et non syndiqués.
À ce paysage féministe, s’ajoutent les commissions femmes des syndicats ; certes, les travailleuses ne se disent pas toutes féministes, mais elles ont conscience de leurs droits et s’organisent contre le harcèlement au travail ; le taux de syndicalisation (40 % dans le public, 28 % dans le privé) est bien plus élevé qu’en France. Ces commissions ont lutté pour obtenir le congé de maternité, puis le congé parental, ainsi qu’un développement des garderies.

AVANTAGES COMPARÉS
Cela progresse : dans les garderies dites « à cinq dollars », soit le prix quotidien par enfant, le nombre de places est passé en cinq ans de 82 000 à 150 000, mais il reste bien inférieur aux besoins. On envie les crèches françaises qui n’accueillent pourtant que 17 % des enfants de moins de trois ans dont les deux parents ont un emploi (28 % vont chez une assistante maternelle agréée ; il en reste la moitié dont les parents doivent se débrouiller, souvent avec une nourrice non déclarée). On envie aussi les allocations familiales, ou les réductions aux familles nombreuses, qui procèdent pourtant d’une politique nataliste et non féministe, de même que le plus long congé de maternité, ou la possibilité de prendre un congé parental de trois ans, non payé mais avec la garantie (en principe) de retrouver son emploi. On envie aussi les vacances : quel luxe que les cinq semaines de congés payés des salariés français, alors que les Québécois n’ont que deux ou trois semaines, et seulement après plusieurs années d’ancienneté !
Quant aux Françaises, elles pourraient bien envier un pays où en cas de divorce les pensions alimentaires sont fixées en fonction du salaire et où elles peuvent être retenues à la source par l’employeur du débiteur (en France, 30 % des pensions alimentaires ne sont jamais payées et au moins autant le sont irrégulièrement) ; un pays où s’affirme une volonté politique que des femmes soient embauchées à des métiers non-traditionnels ; où la revendication ancienne « à travail égal, salaire égal », devenue « à travail équivalent, salaire égal », s’est traduite par une loi sur l’équité salariale, dont la mise en place complexe se poursuit ; au contraire en France, où la différence entre les salaires des hommes et des femmes pour un travail équivalent est la même qu’au Québec, autour de 20 % , on ne constate ni révolte chez les intéressées ou les responsables syndicaux, ni volonté politique très affirmée de mettre en œuvre les lois d’égalité professionnelle.
Étant donnés ces avantages québécois, on comprend que la menace d’un changement politique ait de quoi effrayer : alors que les deux partis qui alternaient au pouvoir ne remettaient pas en cause le féminisme d’État ni les services sociaux dont bénéficient notamment des femmes pauvres et des victimes de violences, un nouveau parti, l’ADQ, pourrait profiter de la désaffection du public vis-à-vis de la politique « traditionnelle » ; or ses positions représentent, selon beaucoup de mes interlocuteurs, un danger certain pour les acquis des femmes. Les élections doivent avoir lieu au cours de l’année prochaine…
Avant de passer aux critiques, encore quelques heureuses suprises pour une Française. Au Québec, on respecte les féministes, et on honore les grandes femmes de l’histoire ; « Je me souviens » est la devise, affichée sur les plaques de voiture. Par exemple, près du Couvent des Ursulines, dans la vieille ville de Québec, une sculpture représente une main de femme ouverte et tenant une plume : elle honore les religieuses qui ont consacré leur vie à l'instruction et à l'éducation des jeunes filles du pays. Autre exemple, à Montréal, le bâtiment de cinq étages regroupant les « têtes de réseaux » du mouvement des femmes a été ouvert, sur fonds publics, après une campagne dont le slogan était « Un toit pour toutes, une fois pour toutes » ; il porte le nom de Maison Parent-Roback, du nom de deux grandes féministes et syndicalistes contemporaines, Madeleine Parent et Léa Roback, et il a été ouvert de leur vivant. Il comprend un riche centre de documentation qui invite au dépôt d’archives avec ce slogan « Faites un présent au futur ! », et il abrite aussi les éditions féministes du Remue-ménage, fondées en 1976.
Autres sujets d’émerveillement : imaginez un pays où un homme gagnant moins que sa femme ne se sent pas pour autant déshonoré ni diminué ; où des hommes se disent féministes ; où en général le mot féministe n’est pas un « gros mot » ; quand je me présentais, au hasard de rencontres, comme une féministe française, loin d’insinuer que j’étais frustrée ou mal-baisée (insulte si banale en France), on m’adressait des encouragements, avec cette définition pertinente : « Vous êtes pour les droits des femmes. » Imaginez un pays où l’organisme officiel qu’est le Conseil du statut de la femme prépare pour 2003 un colloque intitulé : « Que serait le Québec sans les féministes ? » Quand on pense à la situation des associations féministes en France, à leur manque de reconnaissance, à leur pauvreté, à l’immense travail qu’elles accomplissent, notamment en matière d’accueil aux victimes de violences sexuelles, aux menaces qui pèsent sur leurs subventions depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement de droite, en mai dernier…
Imaginez un pays où il existe une émission de télévision quotidienne et féministe d’une demi-heure, très suivie, sur une chaîne câblée ; elle s’appelle « Les copines d’abord », et elle est animée par des femmes d’âge différent, chaleureuses et pleines d’humour. Isabelle Maréchal et ses « copines » m’y ont accueillie, et l’émission sera diffusée le mercredi 25 septembre (à 18h30 et à 22h30, sur Canal Vie).
Imaginez un pays où dans la rue les comportements des hommes envers les femmes sont… normaux. Du moins, c’est ce que j’ai constaté pendant ces quelques jours, et cela m’a semblé reposant : pas de ces regards lubriques, allusions obscènes ou propositions salaces, pas de ces agressions, verbales ou gestuelles, qui sont si courantes dans le pays qui se prétend celui de la galanterie et dans lequel le machisme est si complaisamment toléré. Il ne faudrait pas en déduire que les violences sexistes aient disparu du Québec. Comment ne pas être conscient de leurs ravages, dans un pays où on commémore chaque année le massacre de la Polytechnique du 6 décembre 1989 : dans cette école d’ingénieurs de Montréal, un homme avait tué quatorze femmes en déclarant : « Je hais les féministes ».

« ON PEUT MIEUX FAIRE »
Quelques épines dans ce bouquet : j’ai noté une certaine hypocrisie dans le vocabulaire, par exemple la dénomination d’« aidants naturels » à propos de l’aide apportée aux personnes âgées : celle-ci est surtout le fait de femmes de leur famille, ce qui est plutôt un phénomène culturel !
Une institution très répandue, celle des danseuses nues, dans des bars dont la façade présente des images obscènes visibles de la rue. Des pages de journaux sont pleines de petites annonces pour des agences d’escorte, qui recouvrent des offres de prostitution, alors que la loi interdit le proxénétisme, ainsi que le racolage, appelé sollicitation.
Ma plus grande désillusion porte sur la publicité sexiste, qui est très répandue en France et qui avait disparu du Québec, m’avait-on dit, depuis les années 90. Hélas ! elle a réapparu. Les prix Émeritas et Déméritas, décernés par le Conseil du statut de la femme à partir de 1979, ont été supprimés dix ans plus tard quand on a cru le problème résolu. Résultat : on peut voir dans les rues de Montréal des affiches pour un centre commercial ; une femme nue est assise sur un tapis rouge, avec pour slogan « Je n’ai qu’un seul complexe, le Complexe les Ailes », du nom du centre. D’autres vantent un jus de tomate avec ces mots : « Désolé, option vierge non disponible ». Et ce ne sont pas les seules… Mais une « meute » vient de se fonder pour lutter contre la publicité sexiste, avec des féministes pleines d’énergie et de mordant !
Chez les nombreuses femmes remarquables que j’ai eu la chance de rencontrer, le trait de caractère que j’ai préféré est qu’elles sont conscientes des améliorations nécessaires. Je rentre à Paris, j’allume la radio et j’entends sur France-Culture un journaliste connu, Alexandre Adler, spécialiste de géopolitique, se féliciter qu’en France les relations entre hommes et femmes soient bien meilleures que dans d’autres pays. C’est en effet une opinion répandue, surtout chez des hommes, comme si la comparaison ne devait se faire qu’avec l’Iran ou l’Afrique du sud ; cela explique pourquoi en France si peu de personnes travaillent à changer une situation prétendument excellente. Au Québec, où celle des femmes est l’une des meilleures du monde, où les actions des féministes sont reconnues à leur juste valeur, je n’ai rencontré personne qui s’en contentât. On peut mieux faire, m’a-t-on répété, et les idées ne manquent pas, comme je l’ai constaté, ainsi que les gens compétents pour les mettre en œuvre.
Dans ce pays si accueillant, le mot que j’ai entendu le plus souvent est — quel symbole ! — plaisir. Chaque fois que je remerciais, on me répondait : « Ça me fait plaisir ». Et à moi donc, quel plaisir cela me fait de dire merci au Québec !

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« Coupables...et fières de l'être ! »
« En ces temps de croisade antiféministe, nous plaidons coupables devant nos inquisiteurs. Oui, coupables d'avoir contribué aux avancées des femmes et de la société québécoise en général. Nous, féministes, avouons avoir rêvé d'une vie meilleure où femmes et hommes partageraient des valeurs égalitaires. Pis encore, nous y avons travaillé avec acharnement et passion. (…) »
lire sur http://sisyphe.levillage.org/article.php3?id_article=392
la suite de ce superbe éditorial de Diane Lavallée, présidente du Conseil du statut de la femme (CSF), organisme du Gouvernement du Québec. Il a été publié dans la publication bimestrielle du CSF, La Gazette des femmes, mars-avril 2003, p. 5.
Ce numéro fait sa une sur un dossier très intéressant :
Procès du féminisme. « C’est la faute aux féministes si les hommes sont en déroute ! » Coup de projecteur sur les dessous d’un ressac. »
Ce dossier d’Ariane Emond est téléchargeable sur la même page.

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VERS LE PARADIS FÉMINISTE !

« Nous irons toutes toutes toutes au paradis » : le 23 mai 2003, sur scène et dans la grande salle du Spectrum à Montréal, 900 féministes de tous âges, des femmes et quelques hommes, chantaient ensemble après une soirée mémorable. Femmes politiques, militantes, cadres d’associations, chercheuses, etc., concluaient ainsi un spectacle unique, alliant humour et émotion, grandes figures et nouvelles venues, thèmes militants et expressions artistiques les plus diverses, dans une superbe mise en scène d’Hélène Pedneault.
Après des sketches hilarants de Claudine Mercier déguisée en Barbie ou décrivant sa première mammographie, Anne Sylvestre avait bouleversé le public avec « Non non tu n’as pas de nom », chanson de 1973, puis Ariane Moffatt avait chanté sur ce même thème de l’avortement, avec ses mots de 2003 : « Tu serais une super-maman… Pas maintenant ! » Couronnement du spectacle, Marie-Josée Lévesque, acrobate enlacée dans une étoffe rouge, mariait la grâce et l’audace : beau symbole !

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Le Conseil du statut de la femme (CSF) fêtait ses trente ans, et quelle magnifique fête, après un colloque sur les défis et les enjeux du féminisme, et avant des débats publics sur la maternité, l’amour et l’engagement citoyen organisés en plein milieu d’un centre commercial !
Le CSF est un organisme officiel qui fait le lien entre le gouvernement québécois et le mouvement des femmes (voir le site www.csf.gouv.qc.ca). Il est présidé depuis 1999 par l’une des féministes québécoises les plus connues, Diane Lavallée, ancienne infirmière et dirigeante syndicale. Fort d’une trentaine d’employées au siège à Québec et d’un réseau de correspondantes locales, le CSF a des activités de recherches, et aussi de conseil au gouvernement. Il publie des rapports de qualité, ainsi qu’un bimestriel féministe d’excellente tenue, La Gazette des femmes, diffusée à 27 000 exemplaires dont 17 000 abonnements, pour une population de 7 millions d’habitants.
« Trente ans, ça porte fruit » : une devise en forme de bilan pour un anniversaire à la fois studieux et festif, apportant un mélange harmonieux de stimulation intellectuelle et de chaleur affective, de réflexion et de plaisir.
Autre initiative originale, un « hommage aux compagnons de route », ou plutôt un femmage, proposa Lise Payette en présentant les lauréats avec un talent et un humour très applaudis. Comparable à Yvette Roudy en France, Lise Payette, qui reste la féministe québécoise de référence, fut en 1979 la première ministre de la Condition féminine. C’est elle qui lança alors le Concours du plus bel homme, en réponse aux concours de miss ; c’est elle qui déclara : « Cela fait assez longtemps que les femmes demandent poliment leurs droits, maintenant c’est ‘je veux et j’exige’ ! »
Treize hommes avaient été sélectionnés pour recevoir un trophée récompensant leur engagement, à la fois public et de longue durée, en faveur des droits des femmes. Parmi eux, le Dr Henry Morgentaler, pionnier dès 1969 de la lutte pour le droit à l’avortement, et qui fut emprisonné à cause de son action ; il était absent de la cérémonie mais la salle lui fit une ovation debout ; citons aussi l’intellectuel et militant Martin Dufresne qui parla de la pauvreté des femmes ; quant à Jacques Languirand, célèbre journaliste de radio, il déclara, très ému, que c’était le plus bel hommage qu’il ait reçu de toute sa vie.

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« Nous irons toutes — et tous — au paradis » : il est encore loin, ce paradis, ce rêve féministe d’égalité et de respect, mais au Québec, ainsi qu’en Europe du Nord, il semble en vue, même s’il y a beaucoup à marcher — à agir — avant d’atteindre la terre promise. Partout ailleurs, et surtout dans les pays pauvres, les femmes ont bien plus que leur part d’enfer à vivre sur terre. Deux exemples : les deux tiers des analphabètes du monde sont des filles et des femmes ; chaque année, 500 000 femmes meurent en couches faute d’un système de santé minimal. Même dans les pays riches, les injustices et les violences frappent plus durement les femmes, et les droits qu’elles ont pu obtenir après des décennies d’action féministe sont parfois mal appliqués ; enfin, il n’y a toujours pas de congé de maternité payé en Suisse ni aux États-Unis.
Certes, le Québec n’est pas encore un paradis féministe : manque d’équipements collectifs, inégalités de salaires au détriment des femmes, violences masculines conjugales, réseaux de prostitution, haines de militants « masculinistes » contre les féministes. Néanmoins, il reste un pays de cocagne pour bien des femmes dans le monde, avec des institutions, comme le CSF, qui pourraient être prises comme modèle ailleurs. Même si on peut être déçu par le retour de publicités sexistes, après une nette amélioration dans les années 1990, il est d’autres points très positifs, comme la disparition des stéréotypes sexués dans les manuels scolaires.
Enfin, dans le pays d’où est partie l’initiative historique que fut en 2000 la Marche mondiale des femmes contre les violences et la pauvreté, organisée par la Fédération des femmes du Québec et sa présidente Françoise David, il faut souligner la force et la vitalité des réseaux féministes. Alors que nous vivons une époque de ressac et d’attaques anti-féministes, je conclus en citant Diane Lavallée : « Le maillage vaut mieux que le chamaillage. »
Florence Montreynaud, 28 mai 2003