Encore feministes !

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Action n°10 - Il faut sauver la gynécologie médicale française ! 23 juillet 2002

Le 13 octobre 2001, nous avons participé avec la banderole "Encore féministes !" à la manifestation à Paris pour le maintien de la gynécologie médicale. Nous avons marché pour soutenir l’action des gynécologues médicales, de ces femmes qui se battent pour la santé des générations suivantes.
Beaucoup d'entre nous avons signé la pétition lancée en 1997, voir site http://www.asterise.org/

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ACTION N°10 - 23 juillet 2002
La gynécologie médicale française sauvée ? Il faut encore écrire !

Rappel des faits
La spécialité de gynécologie médicale a été supprimée en 1985. Le nombre de ces gynécologues (dont 90 % sont des femmes) baissait donc inexorablement : il est passé de 2000 à 1700 entre 1998 et 2002. C’est pourtant en grande partie grâce à ces spécialistes que la situation sanitaire des Françaises, pour ce qui est du cancer du sein ou de la contraception, est l’une des meilleures d’Europe.
Deux millions de personnes ont signé une pétition, lancée en 1997 et demandant que soit rétablie une spécialité autonome : l’ampleur de ce mouvement est sans précédent dans l’histoire des actions qu’ont menées les Françaises pour obtenir ou préserver l’un de leurs droits. Féministes et militant-es de gauche ont constaté avec amertume la mauvaise volonté du gouvernement de gauche à satisfaire une demande aussi limitée.
Sous la pression des signataires, une loi créant un diplôme de gynécologie médicale a été votée le 4 mars 2002, mais sans précision sur les modalités.

Enfin Mattéi vint…
La situation s’est débloquée dès la nomination de M. Mattéi comme ministre de la Santé dans le gouvernement de droite nommé le 7 mai 2002. Conformément à son engagement de longue date en faveur d’une restauration de la spécialité, il a signé un décret portant création d’un diplôme d’études spécialisées de gynécologie médicale.
Deuxième étape importante, le CNESER (Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche) a approuvé ce décret le 17 juin.

Ce n’est pas fini.
Le décret doit encore recevoir l’approbation du Conseil supérieur des hôpitaux, ainsi que celle du Conseil d’État.

Le Comité de défense de la gynécologie médicale demande :
- la création de 80 postes d’interne
- la création, comme pour les autres spécialités, d’une sous-section du CNU (Conseil national des universités), car c’est cette instance qui permet de nommer les enseignants.
Toutes ces étapes sont cruciales, et les résistances corporatistes et machistes sont encore nombreuses, mais il se pourrait que l’expression enfin affirmée d’une volonté politique ait commencé à dénouer une situation bloquée depuis cinq ans.

Il faut agir, encore.
Écrivez à M. Mattéi, ministre de la Santé (8 avenue de Ségur 75007 Paris), et à M. Ferry, ministre de l’Éducation (110 rue de Grenelle 75357 Paris 07 SP) pour leur rappeler les deux demandes ci-dessus.

La lutte pour l’obtention du droit de vote des Françaises a duré… 96 ans, depuis 1848 (date du suffrage prétendument « universel ») jusqu’au 21 avril 1944. Rétablir la gynécologie médicale aura aussi nécessité des années d’efforts acharnés. Persévérons encore : le succès est en vue, mais il n’est pas acquis.

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MODÈLES DE LETTRE rédigés par une signataire féministe

1. Monsieur le Ministre,
La spécialité de gynécologie médicale, supprimée en 1985, a été rétablie par la loi du 4 mars 2002.
Les difficultés rencontrées pour prendre les décrets d’applications ont été levées par votre intervention, conformément aux engagements pris de longue date, en faveur de la restauration de la spécialité. Vous avez donc signé un décret portant création d’un diplôme d’études spécialisées de gynécologie médicale.
A présent, il est indispensable de prendre rapidement les mesures concrètes qui rendent effective une décision.
Avec le comité de défense de la gynécologie médicale et le réseau « encore féministes », je vous demande
-la création de 80 postes d’internes
-la création, comme pour les autres spécialités, d’une sous-section du Conseil National des Universités (CNU).
Ne doutant pas de l’efficacité de votre action pour honorer vos engagements, je vous prie, d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma haute considération.

Monsieur MATTEI
Ministre de la santé
8, avenue de Ségur
75007 Paris

2. Monsieur le Ministre,
La spécialité de gynécologie médicale, supprimée en 1985, a été rétablie par la loi du 4 mars 2002.
Les difficultés rencontrées pour prendre les décrets d’applications ont été levées par l’intervention de Monsieur MATTEI, Ministre de la santé, conformément aux engagements pris de longue date, en faveur de la restauration de la spécialité. Le décret portant création d’un diplôme d’études spécialisées de gynécologie médicale a donc été signé le 17 juin 2002.
A présent, il est indispensable de prendre rapidement les mesures concrètes qui rendent effective une décision.
Avec le comité de défense de la gynécologie médicale et le réseau « encore féministes », je vous demande
-la création de 80 postes d’internes
-la création, comme pour les autres spécialités, d’une sous-section du Conseil National des Universités (CNU).
Ne doutant pas de l’efficacité des actions interministérielles pour mettre en œuvre les décisions prises en conformité avec les engagements pris le gouvernement, je vous prie, d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma haute considération.

Monsieur FERRY
Ministre de l’Education nationale
110, rue de Grenelle
75 357 Paris 07 SP


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RÉFLEXIONS SUR UN MOUVEMENT
Parmi les éléments qui auront fait le succès de cette immense entreprise, menée dès l’origine par un petit groupe de femmes, il y a leurs qualités éminentes, ainsi que la conjonction de plusieurs faits.
Des qualités :
- leur force de conviction, moteur bien plus puissant que le désir d’argent ou le goût du pouvoir ;
- leur désintéressement : elles se sont engagées pour la santé des générations futures ;
- leur sens pédagogique : elles ont expliqué clairement la situation et elles ont répété sans se lasser arguments et demandes ;
- leur persévérance, qui leur a permis de résister pendant des années, sans se laisser duper par les leurres ni les vaines promesses ;
- leur endurance face au mépris misogyne, car ces femmes qui assurent le dépistage du cancer du col de l’utérus ont été traitées de « mémères à frottis »…

Autres éléments importants :
- l’identification à une forte personnalité.
Sans ôter aucun de leurs grands mérites aux co-présidentes du comité de défense, les gynécologues Gisèle Jeanmaire et Claire Coussirat-Coustère, ainsi que les militantes féministes Claude Groussin et Marie Stagliano, je voudrais honorer la mémoire de Dominique Malvy, emportée par une crise cardiaque en mars dernier, à l’âge de 54 ans. Âme de cette révolte et de cette longue marche, elle a donné à cette action son visage et sa flamme. Je garde le souvenir de sa voix chaleureuse, de son énergie rayonnante et de son humour.
Au cours des siècles, on a oublié trop de femmes admirables, trop de féministes méconnues, grâce auxquelles les Françaises doivent de bénéficier de droits qui leur semblent aujourd’hui aussi naturels que l’eau et l’air. Il ne faudra pas oublier la docteur Dominique Malvy. La municipalité de sa ville, Albi, va donner son nom à une rue. Je propose de demander à La Poste l’édition d’un timbre à son effigie.
- la constitution d’un groupe efficace de responsables, réparties à travers toute la France et se partageant bénévolement un énorme travail ;
- un mouvement de masse, avec des personnes bien implantées localement qui ont accompli un travail gigantesque d’explication et aussi de collecte de 2 millions de signatures ;
- le soutien d’élu-es qui, relayant les demandes de la population, ont déposé propositions de loi et amendements. La meilleure preuve que cette cause dépasse les clivages politiques était donnée, à la conférence de presse du 10 juillet 2002, par la présence simultanée à la tribune du député de la Sarthe Pierre Hélier (Démocratie libérale) et de la sénatrice communiste Nicole Borvo.
Mais tout cela n’aurait pas suffi, et n’a pas suffi, car il y a manqué pendant cinq années l’élément décisif : la volonté politique. De manœuvres dilatoires en demi-mesures, les ministres de la Santé successifs du gouvernement Jospin, Dominique Gilot et Bernard Kouchner, n’ont jamais voulu répondre nettement à une demande pourtant massive des Françaises.
Le comité de défense avait interpelé les candidats à l’élection présidentielle de 2002. Le 16 avril, lors d’une conférence de presse, il a présenté les réponses reçues. Roselyne Bachelot est venue faire état de l’engagement de Jacques Chirac. Aucune réponse n’a été reçue de Lionel Jospin…
Aujourd’hui, après cinq années d’efforts, le succès semble en vue. Attendons qu’il soit pleinement assuré pour nous réjouir complètement ! Même quand nous pourrons le faire sans réserve, pensons au reste de l’humanité et aux milliards de femmes pour qui les mots de gynécologie médicale n’ont pas même de sens…

DU NOUVEAU !
Le Conseil d’État a donné le 10 décembre 2002 un avis favorable concernant le décret qui a rétabli le diplôme de gynécologie médicale. Cet avis sera publié au Journal officiel en janvier 2003.
Il reste à mettre en place l’enseignement spécialisé dans les facultés de médecine.

En près de cinq ans, plus de 2 350 000 personnes ont signé la pétition du Comité de Défense de la Gynécologie médicale (CDGM), demandant que l’on forme de nouveau des gynécologues médicaux et que la loi garantisse aux femmes l’accès direct au gynécologue médical de leur choix, sans pénalité financière.
C’est la première fois dans l’histoire française qu’une demande d’un droit des femmes a été appuyée par un mouvement d’une telle ampleur.
À l’heure où nous touchons au but, ayons une pensée pour la féministe qui fut dès les débuts l’âme de ce mouvement, la docteur Dominique Malvy, emportée par une crise cardiaque en mars dernier, à l’âge de 54 ans.

Le décret est paru au Journal officiel :
Décret no 2003-85 du 30 janvier 2003 modifiant le décret no 88-321 du 7 avril 1988 relatif à l'organisation du troisième cycle des études médicales.

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LA SANTÉ DES FEMMES DE PLUS EN PLUS EN DANGER
Le Comité de défense de la gynécologie médicale appelle à manifester à Paris
le samedi 19 juin 2004 à 14 h, place Denfert-Rochereau

Il demande :

- la mise en place des mesures nécessaires au maintien des effectifs des gynécologues médicaux : la création de 119 postes d’internes par an et la nomination d’enseignants.

- la garantie assurée par un texte ayant force de loi de l’accès direct au gynécologue de son choix, avec remboursement par la Sécurité sociale des consultations et des soins s’y rapportant sans pénalisation financière.

Le 1er février 2003, le décret rétablissant la gynécologie médicale a été promulgué. C’était le résultat d'une mobilisation de plusieurs années : 2,3 millions de personnes avaient signé la pétition le demandant. Jamais dans l’histoire un droit des femmes n’a été réclamé avec autant de signatures.

Or à ce jour, rien n'est réglé.
Pour toute la France il n’y a que 20 postes d'internes ! Il en faudrait 119 pour SIMPLEMENT maintenir les effectifs actuels, déjà largement insuffisants : les files d'attentes de rendez-vous s'allongent, et les jeunes femmes sont les premières pénalisées. Le bon niveau de prévention des cancers et des autres maladies gynécologiques ne peut que baisser.
Du fait des départs à la retraite, le nombre de gynécologues médicaux diminue inexorablement. Limiter à 20 postes par an signifie qu'en 2020 il n'y aura plus que 450 gynécologues médicaux : pour 22 millions de femmes !

D’autre part, le rapport du Haut Conseil pour la modernisation de l'Assurance Maladie remet en cause le droit au remboursement, base de la Sécurité Sociale, ainsi que l'accès à une médecine de qualité pour tous.
Pour défendre la santé des femmes, vous êtes invité-es à vous joindre à la manifestation pour demander
- le rétablissement dans les faits de la gynécologie médicale,
- la garantie du libre accès.

Rendez-vous derrière la banderole "Encore féministes !", samedi 19 juin à 14 h, place Denfert-Rochereau.


La manifestation organisée par le Comité de défense de la gynécologie médicale (CDGM) a rassemblé plus de cinq mille personnes à Paris, le 19 juin 2004.

J’avais été invitée à parler à la tribune, à l’invitation du CDGM dont je soutiens depuis longtemps l’engagement pour la santé des femmes.

Voici mon texte.
« Comme historienne, je peux vous assurer que nous vivons un événement qui comptera dans l’histoire longue et mouvementée des droits des femmes en France. Jamais, dans notre pays ni même dans aucun autre pays au monde, une pétition demandant un droit des femmes n’a recueilli un aussi grand nombre de signatures. Jamais. Même le droit de vote, qu’il a fallu 96 ans pour obtenir en France. Depuis sept années, depuis l’initiative lancée par la docteur Malvy et ses compagnes, le dynamique et toujours vaillant Comité de défense de la gynécologie médicale a recueilli 3 millions de signatures. Je ne peux citer toutes les femmes admirables de ce comité, que je salue avec émotion et reconnaissance. J’ai nommé Dominique Malvy, car elle est morte. Elle s’est tuée à la tâche, elle qui s’était battue depuis les années 70 pour d’autres droits des femmes relevant de la gynécologie, la contraception et l’avortement, deux droits que nous avons fini par arracher après des années d’engagement et de manifestations comme celle-ci. Je tiens à rappeler que le droit à l’avortement n’est toujours pas acquis, et que des opposants continuent leurs violences devant des cliniques, car toutes les réticences à cette liberté des femmes ne sont pas encore vaincues.
Je témoigne ici de cette volonté de millions de Françaises, déterminées à conserver d’autres droits : l’existence de la gynécologie médicale et le libre accès à la praticienne de leur choix. Je les invite à signer et à faire signer autour d’elles la pétition, par des femmes, des filles et aussi des hommes qui soutiennent cette demande.
Comme féministe et spécialiste de la sexualité, je vous dirai aussi cette vérité qui semble difficile à faire entendre dans une société où un lobby machiste s’oppose à notre droit : il entrave la mise en œuvre de la décision prise par le ministre M. Mattéi en 2002. Oui, nous les femmes, incroyable mais vrai, nous existons en dehors de la maternité. Oui, nous sommes avant tout des femmes, et pas seulement des mères. Oui, notre corps comporte d’autres organes de femme que l’appareil génital : les seins, qu’il faut palper régulièrement, comme seule une praticienne exercée peut le faire, pour détecter un éventuel cancer. Oui, nous voulons consulter, non un gynécologue-obstétricien, mais une professionnelle spécialisée dans l’ensemble des questions gynécologiques, sans avoir à passer, si nous souffrons de stérilité ou si nous voulons nous faire avorter, par une salle d’attente pleine de femmes enceintes.
Enfin, en tant que femme, je vous dirai ce que tant d’entre nous disent en signant la pétition :
Oui, je me sens compétente au sujet de mon corps, je sais comment il fonctionne, je suis une adulte, je sais quel médecin je veux aller consulter. Non, je n’ai pas besoin de l’aval d’un généraliste à qui je fais confiance pour mes autres problèmes de santé ou pour mes enfants. Au lieu de payer deux consultations, je veux aller consulter directement ma gynécologue : cela ne fera donc pas de surcoût pour la Sécurité sociale, préoccupation parfaitement justifiée de nos gouvernants et de nos élus.
Non, je ne veux pas aller voir le médecin de famille, qui suit aussi mon mari et mes enfants, pour lui parler de questions qui relèvent de ma propre intimité de femme. Oui, je veux continuer à consulter la gynécologue pour qui je suis une personne qu’elle va accompagner à toutes les époques de sa vie. Je pourrais lui confier mes difficultés sexuelles, mes angoisses de vieillissement. Elle sera compétente pour me proposer des hormones de substitution, elle sera vigilante à l’évolution de l’ensemble de mon corps. Elle connaît mon histoire, elle comprend ma pudeur. Au lieu d’être une médecin spécialiste, il me semble plutôt qu’elle me connaît toute entière. Mes filles la consultent, ma mère aussi, et cette chaîne de femmes symbolise la transmission à laquelle nous toutes et tous, réunis ici, attachons tant de prix.
Cette action, qui nous fait descendre dans la rue une fois de plus, faudra-t-il que nos filles la continuent ? J’espère bien qu’elles n’y seront pas obligées. Nous devons gagner au plus vite. Nous le devons aux générations futures."

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7 juillet 2005

Depuis trois ans, le réseau "Encore féministes !" soutient l’action du Comité de défense de la gynécologie médicale.
Plusieurs fois nous avons cru l’objectif atteint, et chaque fois de nouveaux obstacles se sont présentés.
Il faut agir, encore.
Je vous invite à adresser à M. François Goulard, ministre délégué à l'Enseignement supérieur et à la Recherche, une lettre sur le modèle suivant (de préférence par la poste et / ou par fax) :

Monsieur le Ministre,
Avec le réseau "Encore féministes !" et les 3 millions de signataires de la pétition lancée en 1997 pour sauver la spécialité de gynécologie médicale, je vous demande d’assurer la pérennité du diplôme d’études spécialisées (DES) de gynécologie médicale en lui donnant une reconnaissance universitaire.
En signant l’arrêté nécessaire, ne faites pas perdre au DES son autonomie chèrement acquise : rattachez-le à une seule sous-section du Conseil national des universités.
La spécialité de gynécologie médicale est un DES et doit le rester. Ne ruinez pas huit années d’efforts qui ont permis à la gynécologie médicale d’avoir une filière autonome !

(Signez en indiquant vos prénom, nom et adresse)

Le numéro de fax du secrétariat particulier du ministre est 01 55 55 84 37
Par la poste : M. François Goulard, ministre délégué à l'Enseignement supérieur et à la Recherche, 1 rue Descartes 75231 Paris cedex 05
Par courriel : francois.goulard@recherche.gouv.fr