Encore feministes !

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Action n°46 - 16 octobre 2009
Parlez pour vous, M. Mitterrand !
Lettre ouverte à Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture

 

Monsieur,
Quand vous avez été nommé directeur de la Villa Médicis, puis ministre de la Culture, s'est vérifiée une « exception française » : dans les autres pays occidentaux, un homme ayant payé de jeunes prostitués à Bangkok et l'ayant rapporté dans un récit autobiographique se serait de ce fait exclu de tout poste officiel.

Quand vous avez soutenu le chanteur Orelsan, vous avez déclaré « ne rien voir de choquant » dans la chanson « Sale pute ! » Ne percevoir que l'expression légitime d'un « dépit amoureux » dans des paroles comme « T'es juste bonne à te faire péter le rectum […] On verra comment tu suces quand j'te déboiterai la mâchoire. […] J'vais te mettre en cloque (sale pute) Et t'avorter à l'Opinel », et rapprocher Orelsan de Rimbaud ont achevé de donner la mesure de votre sensibilité culturelle.

Quand vous avez défendu Roman Polanski, poursuivi pour un viol sur une fille de 13 ans, en parlant d'une « histoire ancienne qui n'a pas vraiment de sens », vous avez banalisé le crime de viol, sur mineure qui plus est. On a alors appris que, dans une lettre à en-tête de la Villa Médicis, vous aviez minimisé, en le qualifiant d'« écart », le viol d'une mineure commis par deux garçons que vous protégez. Vous persistez donc à secourir des agresseurs en vous plaçant au-dessus de la loi.

Quand le scandale éclate et que le 8 octobre vous vous expliquez au Journal de TF1, vous déclarez, au sujet de vos actes de prostitution à Bangkok : « Que vienne me jeter la première pierre celui qui n'a jamais commis ce genre d'erreur au moins une fois dans sa vie ! » Selon vous, exploiter la misère en payant des actes sexuels ne serait qu'une « erreur », et vous la justifiez en osant prétendre qu'elle est générale.

M. MITTERRAND, NE PARLEZ PAS POUR NOUS !

NON, tous les hommes n'ont pas payé pour un acte de prostitution! Et toutes les femmes encore moins !

Respectez celles et ceux pour qui la sexualité humaine est la rencontre, dans la gratuité, de deux désirs !

Sur le site de "Encore féministes !", des hommes disent NON au viol et NON à la prostitution !

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LETTRES DE MEMBRES

Monsieur le Ministre,
Personne ne met en doute votre qualité d'artiste, pas plus que celle de Polanski. J'espère que ce que je jette sur le papier n'est pas trop pénible à lire, au moins en ce qui concerne le style. Mais pour être artiste on n'en est pas moins homme et citoyen et donc responsable de ses actes.
J'ai lu la lettre ouverte qui vous est adressée par le Réseau «Encore Féministe». Je n'insisterai donc pas sur vos réactions pour minimiser le viol de la jeune victime de Polanski (affaire déjà jugée, Polanski avait simplement oublié l'existence du mandat d'arrêt) ou «l'erreur» des deux jeunes violeurs réunionnais d'une famille si honorable.
Le plus révoltant c'est le soutien à Orelsan, «nouveau Rimbaud» ! Je ne suis pas spécialiste, mais ce que j'ai lu ne ressemble pas du tout à ce que produisait le susnommé, ou même Lautréamont, d'ailleurs !! Fils d'un proviseur et d'une professeure de français il n'a jamais vécu dans ces ghettos de banlieue où la misère morale et culturelle peut paraître une excuse pour de tels débordements. Vomir sa haine contre une femme et en faire une chanson dont certaines phrases se propagent dans les cours d'école à un âge où la différenciation entre filles et garçons se fait avec cruauté, devrait être sanctionné par la loi. Il s'agit bien d'incitation à la haine. Du sexisme.
Chaque semaine, des femmes succombent sous la violence machiste. Toutes les victimes ne meurent pas. Elles survivent sous les coups et les humiliations
Dans les années trente, l'antisémitisme s'affichait sans complexe. Il a fallu les millions de morts de la guerre et du génocide pour qu'enfin on admette le lien entre ces paroles, le matraquage de cette propagande, et ses conséquences abominables. Des paroles qui tuent.
Je ne comprends pas que vous n'ayez pas plus de compréhension de cette situation, pourtant assez comparable à celle qui est faite aux homosexuels.
Je sais bien qu'Orelsan ne voit pas aussi loin. Il n'a produit ce texte que pour accrocher les mercantis qui sévissent dans ce monde pourri du disque. Et ça marche, même si ses sponsors, par prudence, lui ont interdit de la chanter, au moins en France.
Vous aviez fait de vos confessions un livre à succès. Vous avez ajouté un certain nombre de commentaires. Notamment en prétendant que tout un chacun avait bien dû, un jour où l'autre, profiter de la misère d'autrui, en le sachant pertinement, excité par l'aspect «marché aux esclaves», comme vous l'écrivez. C'est sûrement ce qui explique le «succès» de ces gamines importées de l'Est, proposées aux passants sur nos trottoirs réputés «les plus riches d'Europe». Pas besoin d'aller en Thaïlande, même pour des garçons, même mineurs. Les autorités se contentent parfois de les expulser, les uns et les autres, les remettant aux mains de leurs propriétaires. C'est ce scandale mêlant la perversité à la stupidité qui m'a amené chez «Encore Féministe» et aux Chiennes de Garde, espérant alerter l'opinion.
Je me demande si vos confessions n'ont pas motivé votre nomination. Le nom que vous portez associé à ces circonstances était une grenade à dégoupiller. Un scandale à point nommé, une diversion. Par dessus celui de la promotion de Sarkozy JR. Je ne suis pas à votre place, ni dans votre peau, et je ne sais pas combien de temps Sarkozy vous utilisera mais il est certain qu'il vous jettera aux chiens quand vous aurez cessé de lui être utile.
Je vous souhaite de vous tirer de ce mauvais pas avec un minimum de casse.
Dans cet espoir, je vous prie d'agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de ma considération pour l'artiste que vous êtes toujours.
Sylvère Labis, 17 octobre 2009