Encore feministes !

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Action n°8 - NON aux "maisons closes" ! 3 juillet 2002 + réponse de la ministre

Un débat se développe dans les médias français au sujet de la prostitution. Françoise de Panafieu, maire et députée UMP du 17° arrondissement de Paris, s’est prononcée en faveur de « maisons closes ». Anne Hidalgo, première adjointe au maire socialiste de Paris, a annoncé que la municipalité allait s’attaquer au problème de la prostitution en alliant prévention et répression des « clients ».
Voir le texte à ce sujet, er spécialement ce passage critiquant la proposition de Françoise de Panafieu :
« La France a ratifié la Convention internationale de 1949 sur l’abolition de la réglementation, et elle s’est donc interdit d'organiser l'exploitation de la prostitution, ce que cette élue devrait savoir. Comment peut-on envisager, dans un pays qui a modifié sa constitution pour y inscrire la parité, que les pouvoirs publics organisent, au bénéfice des hommes, la mise à disposition sexuelle d’une catégorie d’êtres humains ? En outre, la prostitution est contraire à un principe fondamental du droit français, l’indisponibilité du corps humain.
Cependant, une illusion persiste dans l’opinion : des bordels résoudraient des problèmes — gênes pour les riverains des quartiers de prostitution, visibilité du phénomène, conditions de vie des personnes prostituées —, tout en apportant des garanties pour la santé et la sécurité publiques. C’est oublier que les pays réglementaristes, tel l’Allemagne, connaissent une fréquence comparable des viols ou du sida, et que la prostitution clandestine est indissociable de celle qui est réglementée. En effet, les clients, eux, ne se satisfont pas des bordels organisés : on trouve souvent chez eux un désir de transgression, un goût pour la prise de risque, témoins les demandes très fréquentes de rapports sans préservatif. »

Françoise de Panafieu est députée de la majorité, et la position qu’elle a prise est incompatible avec le régime légal de la France en matière de prostitution. Et si vous écriviez au gouvernement, par exemple à Nicole Ameline, la nouvelle ministre déléguée à la Parité et à l’Égalité professionnelle…

Si vous écrivez, merci d’envoyer une copie par courriel.
Nicole Ameline n’a pas encore d’adresse Internet ; il faut lui écrire 10 rue Brancion 75015 Paris. Vous pouvez aussi vous adresser au Premier ministre, dont le site est : www.premier-ministre.gouv.fr.

Voici un canevas, à enrichir.
Je vous écris au sujet des déclarations de Françoise de Panafieu, députée UMP, en faveur de « maisons closes » pour la prostitution.
La Convention internationale de 1949, qu’a ratifiée la France, interdit d'organiser l'exploitation de la prostitution. Dans un pays qui a modifié sa constitution en 2000 pour y inscrire la parité, comment les pouvoirs publics pourraient-ils organiser, au bénéfice des hommes, la mise à disposition sexuelle d’une catégorie d’êtres humains ?
Faire de la sexualité une marchandise, c’est bafouer la dignité humaine.
Je vous demande de réaffirmer l’attachement du gouvernement au régime abolitionniste, et donc son opposition au système de « maisons closes ».
Je demande aussi au gouvernement
- de prendre des mesures de protection des personnes prostituées,
- de réprimer plus efficacement les réseaux de proxénétisme,
- de développer une politique de prévention, ainsi que d’éducation à une sexualité responsable.

LETTRES DE MEMBRES DU RÉSEAU "ENCORE FÉMINISTES !"
+ Réponse de Nicole Ameline, Ministre déléguée à la Parité et à l'Egalité Professionnelle, 6 août 2002

Gaëlle Coudurier-Abaléa, 3 juillet 02, à Madame Ameline, ministre déléguée à la Parité et à l’Egalité professionnelle
Madame la Ministre déléguée,
Je vous écris au sujet des déclarations de Françoise de Panafieu, députée UMP, en faveur de « maisons closes » pour la prostitution.
Croyez-vous vraiment que cacher la prostitution parviendra à résoudre les problèmes qu'elle pose ? Pensez-vous vraiment que les prostituées, parce qu' elle ne seront plus dans la rue, seront protégées de la violence et des maladies sexuellement transmissibles ? Ne croyez-vous pas qu'en fait elles seront d'autant plus isolées et sans ressources enfermées voire séquestrées dans des bordels (veuillez m'excuser mais le terme est tout de même plus réaliste que maisons closes).
Je crois que cette mesure ne rendra service qu'aux proxénètes, qui n'auront plus à se soucier des prix d'une chambre d'hôtel, des clients qui pourront ainsi rester anonymes et discrets, et aux riverains « bien pensants » qui ne se plaindront plus de la gêne occasionnée.
La question n'est pas de légaliser ou non la prostitution. La prostitution est un esclavage. Elle permet à une certaine catégorie de la population d'en acheter une autre à sa convenance en dépit de toutes les législations concernant la personne humaine. De plus la légalisation de la prostitution ne pourra qu'amplifier le trafic abominable qui arrache des jeunes mineures à leur famille et à leur pays, leur fait subir des violences sexuelles, morales et physiques intolérables afin d'être « mises sur le marché ».
Il est hors de question que mes impôts servent à enrichir les proxénètes et à encourager ce genre de trafic parfaitement odieux.
La Convention internationale de 1949, qu'a ratifiée la France, interdit d'organiser l'exploitation de la prostitution. Dans un pays qui a modifié sa constitution en 2000 pour y inscrire la parité, comment les pouvoirs publics pourraient-ils organiser, au bénéfice des hommes, la mise à disposition sexuelle d'une catégorie d'êtres humains ? Faire de la sexualité une marchandise, c'est bafouer la dignité humaine.
Je vous demande de réaffirmer l'attachement du gouvernement au régime abolitionniste, et donc son opposition au système de « maisons closes ».
Je demande aussi au gouvernement - de prendre des mesures de protection des personnes prostituées, - de réprimer plus efficacement les réseaux de proxénétisme, - de développer une politique de prévention, ainsi que d'éducation à une sexualité responsable.
- Et, le cas échéant, de sanctionner également les clients pour complicité de proxénétisme.
Dans l'attente de votre réaction face à cette menace à l'égalité des sexes et à la dignité humaine, je prie de croire Madame, en l'assurance de ma considération distinguée.

Danielle Thomas, 3 juillet 02
Madame la Ministre,
Je vous écris au sujet de l'entretien qu'à accordé Françoise de Panafieu au "Journal du Dimanche" le 30 juin et dans lequel elle se déclare en faveur de la réouverture des "maisons closes" pour la prostitution.
Je suis surprise que cette élue de longue date puisse ignorer que la France a ratifié la Convention internationale de 1949 qui interdit d'organiser l'exploitation de la prostitution. Ses déclarations publiques me paraissent donc incompatibles avec le régime légal de notre pays en cette matière.
D'autre part, comment peut-on concevoir dans un pays qui a modifié sa constitution, en l'an 2000, pour y inscrire la parité, que les pouvoirs publics organisent, au bénéfice des hommes, la mise à disposition sexuelle d'une catégorie d'êtres humains ?
Il m'apparaît urgent que votre gouvernement, dont les Français attendent beaucoup, mette en place une politique importante d'information et de prévention sur la prostitution. Qu'une réelle éducation sexuelle soient enfin donnée dans les établissements scolaires et que des mesures de protection efficaces soient enfin prises en faveur des personnes prostituées.
Il va sans dire qu'elles devront être accompagnées d'une répression implacable contre tous les réseaux de proxénétisme qui considèrent la sexualité comme une marchandise lucrative et asservissent l'être humain au mépris de toute dignité.
Je vous remercie par avance de l'intérêt que votre Ministère portera à ce sujet qui concerne, notamment, nombre de femmes, et,
Je vous prie de croire, Madame la Ministre, à l'expression de mes sentiments distingués.

Nadine Lancien, 4 juillet 02
Madame la ministre déléguée,
Je vous écris au sujet des déclarations de Françoise de Panafieu, députée UMP, en faveur de « maisons closes » pour la prostitution.
La Convention internationale de 1949, qu'a ratifiée la France, interdit d'organiser l'exploitation de la prostitution. Dans un pays qui a modifié sa constitution en 2000 pour y inscrire la parité, comment les pouvoirs publics pourraient-ils organiser, au bénéfice des hommes, la mise à disposition sexuelle d'une catégorie d'êtres humains ?
Faire de la sexualité une marchandise, c'est bafouer la dignité humaine.
Je vous demande de réaffirmer l'attachement du gouvernement au régime abolitionniste, et donc son opposition au système de « maisons closes ».
Je demande aussi au gouvernement
- de prendre des mesures de protection des personnes prostituées,
- de réprimer efficacement les réseaux de proxénétisme,
- de développer une politique de prévention, ainsi que d'éducation à une sexualité responsable.

Sylvie Chaussée, 4 juillet 02
Madame la Ministre,
Je vous écris au sujet des déclarations de Françoise de Panafieu, députée UMP qui s’est prononcée en faveur de « maisons closes » pour la prostitution.
La prostitution est toujours le résultat de la rencontre entre la misère et l’exploitation. Misère des personnes prostituées, exploitation de cette misère par les proxénètes et les clients.
Tolérer des « maisons closes » c’est légitimer cette exploitation.
La Convention internationale de 1949, ratifiée par la France, interdit d’ailleurs d'organiser l'exploitation de la prostitution.
Au troisième millénaire, serait-il envisageable de rétablir l’esclavage, au motif qu’il permettrait de mieux contrôler le travail au noir et les ateliers clandestins ? Je ne le crois pas. La proposition de rouvrir des maisons closes procède de la même logique.
Cette proposition s’appuie peut-être sur le mythe du « libre choix » de la personne prostituée. Quand on sait de quel poids pèse la condition de la prostitution, peut-on croire qu’il y a une liberté à "choisir" un destin d’aliénation et de culpabilisation ? Il est plus exact de dire que "choisir" la prostitution revient souvent à opter pour une forme de suicide.
La France créerait-elle des lieux organisés pour permettre aux personnes en détresse de se suicider « proprement » ?
La société - et principalement le client - préfère croire à la liberté de la personne prostituée afin d’éviter tout questionnement, toute culpabilisation. Entretenir ce mythe équivaut à fuir ses responsabilités et éluder toute interrogation fondamentale.
Respecter les personnes prostituées ne conduit jamais à respecter la prostitution, mais au contraire à la condamner et la combattre.
La prostitution n’est pas, ne sera jamais un "métier". C’est une exploitation du corps humain et, au-delà, une instrumentalisation de personnes au profit d’autres. Faire de la sexualité une marchandise, c'est bafouer la dignité humaine. Et l’enfermement d’êtres humains pour mise à disposition sexuelle, quelles qu’en soient les conditions, est et restera toujours une ignominie.
D’un point de vue sanitaire, les prétendues garanties des maisons closes sont illusoires. Un contrôle médical y rassurerait les clients, eux-mêmes exemptés et toujours irresponsables. Cette fausse sécurité serait dangereuse. L’expérience a en effet montré que, dans un domaine où la corruption est courante, rien ne saurait garantir l’efficacité des contrôles ni la mise à l’écart des malades. En ce qui concerne le sida, un résultat négatif peut être mensonger étant donné la durée d’incubation de la maladie.
Invoquer de prétendues garanties sanitaires rappelle en outre ces Etats dictatoriaux où l’on pratique la torture sous contrôle médical. Un tel contrôle rend-il la torture acceptable ?
Pour toutes ces raisons et bien d’autres, je condamne l’idée de créer des « maisons closes » : il s’agit d’une idée archaïque et inacceptable. La responsabilisation de chacun, à commencer par celle des clients, est autrement d’actualité.
C’est pourquoi je vous demande de réaffirmer l'attachement du gouvernement au régime abolitionniste, et donc son opposition au système de « maisons closes ».
Je demande aussi au gouvernement :
- de prendre des mesures de protection des personnes prostituées,
- de réprimer plus efficacement les réseaux de proxénétisme,
- de développer une politique de prévention, ainsi que d'éducation à une sexualité responsable.
Oui, un changement de la loi française au sujet de la prostitution est indispensable. Le pays des Droits de l’Homme ne peut en faire l’économie. Et justement parce que la France reste la patrie des Droits de l’Homme, la loi française doit se prononcer clairement et fièrement pour l’abolition de la prostitution, dernière survivance tolérée de l’esclavage dans un pays dit développé.
Je vous prie de recevoir, Madame la Ministre, mes salutations distinguées.
P. S. : pour une meilleure connaissance de la réalité de la prostitution et de ses conséquences, je vous recommande le site Internet de l’association Le Nid, qui œuvre depuis des années en faveur des personnes victimes de la prostitution.
http://www.mouvementdunid.org/

Agnes Fontana, 5 juillet 02
Voici l'essentiel de la lettre manuscrite que j'envoie ce 4 juillet à Mme Ameline :" j'ai été profondément choquée par la prise de position de mme de Panafieu quant à l'intérêt d'ouvrir des établissements où se pratiquerait la prostitution, en clair de nouvelles "maisons closes".
Cette proposition me semble aller à l'encontre de deux tendances majeures du progrès social, à savoir le respect de l'être humain, qui s'oppose à ce qu'il soit taité comme une marchandise, d'une part, l'égalité entre hommes et femmes, d'autre part.
Elle ne me semble pas par ailleurs de nature à remédier efficacement aux difficultés qu'elle se propose de combattre, à savoir la misère affective, le trafic des êtres humains, la propagation du HIV, les violences sexuelles faites aux femmes... qui peuvent être plus utilement combattus par d'autres moyens.
Je vous demande donc respectueusement, madame la Ministre, de réaffirmer l'attachement du gouvernement au principe abolitionniste, et donc son opposition au système des maisons closes".

Catherine Lannoy, 5 juillet 2002
Madame,
Je vous écris au sujet des déclarations de Françoise de Panafieu, députée UMP, en faveur de "maisons closes" pour la prostitution.
Madame de Panafieu semble oublier que la France a ratifié la convention internationale de 1949 interdisant d'organiser l'exploitation de la prostitution.
De plus, notre pays a modifié la constitution en 2000 pour y mentionner la parité, alors il n'est pas imaginable que les pouvoirs publics puissent organiser la mise à disposition sexuelle d'êtres humains au bénéfice des hommes. Faire de la sexualité une marchandise signifie bafouer la dignité humaine.
Les personnes prostituées sont faibles, sous l'emprise pour de nombreux cas d'un proxénète et ont subi de la violence physique et/ou sexuelle dans leur passé.
J'estime ces personnes comme étant des victimes de leur passé, des proxénètes exploitant leur misère et des manipulateurs sordides et sans scrupules que sont les "clients".
Pourquoi les pouvoirs publics autorisent une telle exploitation humaine? Il est clairement établi et à tort que l'homme a le droit de faire valoir sa sexualité comme il l'entend. C'est-à-dire par la prostitution et par la pornographie réduisant des êtres humains (en majorité des femmes rappelons-le!) à des morceaux de viande. La normalité que la société et les pouvoirs publics montrent aux hommes, femmes et enfants est honteuse. Le manque d'éducation montre aux hommes que leur sexualité est très importante et qu'ils ont à leur disposition des moyens inhumains de l'extérioriser. Il montre aux femmes que tout ceci est logique puisque la sexualité des hommes est ainsi faite et qu'elle doivent gentiment s'en accomoder. Enfin, il montre aux enfants qu'ils auront le droit de faire partie soit d'une catégorie, soit de l'autre: pas très reluisant.
La normalité ne serait-elle pas d'instaurer le respect? Comment ces hommes "clients" peuvent-ils respecter leur mère, leur femme et leurs enfants et les autres?
Pour toutes ces raisons, je vous demande de réaffirmer l'attachement du gouvernement au régime abolitionniste et par conséquent son opposition au système de "maisons closes".
Je demande également au gouvernement:
ß De prendre des mesures de protection des personnes prostituées
ß De réprimer plus efficacement les réseaux de proxénétisme
ß De développer une politique de prévention, ainsi qu'une éducation à une sexualité responsable,
ß A terme, imiter la Suède en verbalisant les clients afin d'obtenir l'extinction de cet esclavage qu'est la prostitution.
Veuillez agréer, Madame AMELINE, l'expression de mes sincères et respectueuses salutations.

Marie-Noëlle Bas, 18 juillet 2002,
Madame,
Je vous écris au sujet des déclarations de Françoise de Panafieu, députée UMP, en faveur de "maisons closes" pour la prostitution.
Très choquée par ses propos, j'en ai beaucoup parlé autour de moi à des femmes et à des hommes. Si de nombreux hommes considèrent les "maisons closes" comme un moindre mal, évoquant "le plus vieux métier du monde"..., la plupart des femmes et moi-même, bien sûr, voient dans l'ouverture de ce type de lieux, une officialisation de la prostitution, donc une marchandisation de femmes en tant qu'objets sexuels. La France a ratifié la Convention Internationale de 1949 qui lui interdit d'exploiter la prostitution et est le pays des droits de l'Homme et l'indisponibilité du corps humain est un principe fondamental du droit français. L'Etat ne peut donc impunément envisager la mise à disposition sexuelle de femmes au profit des hommes.
La position prise par Françoise de Panafieu est donc, me semble-t-il, incompatible avec le régime légal de la France en matière de prostitution.
Anne Hidalgo, première adjointe au maire de Paris, a annoncé que la municipalité allait s'attaquer au problème de la prostitution en alliant prévention et répression des "clients".
Je souhaite vivement que le nouveau gouvernement -qui malheureusement n'a pas cru bon de garder, malgré une grande nécessité, comme tous les gouvernements précédents depuis une trentaine d'années, un secrétariat d'Etat aux droits des femmes- vous permette, en tant que ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, de vous pencher sur ce sujet sensible qui bafoue la dignité humaine des femmes comme des hommes...

Catherine DEPAIX, 18 juillet 02
Madame la ministre déléguée,
On assiste en France à un développement de la prostitution.
Des initiatives ou des propositions sont faites actuellement visant soit à réprimer les personnes soumises à ce trafic d’êtres humains, soit à l’organiser, telle la proposition récente d’une élue, de réouvrir des maisons de prostitution dites « maisons closes » .
La France a ratifié la Convention internationale de 1949 sur l'abolition de la réglementation, et elle s'est donc interdit d'organiser l'exploitation de la prostitution, ce que cette élue devrait savoir. Comment peut-on envisager, dans un pays qui a modifié sa constitution pour y inscrire la parité, que les pouvoirs publics organisent, au bénéfice des hommes, la mise à disposition sexuelle d'une catégorie d'êtres humains ?
En outre, la prostitution est contraire à un principe fondamental du droit français, l'indisponibilité du corps humain.
Vous avez défendu la position abolitionniste que la France à soutenu jusqu’à présent, en dépit des discordances et des hésitations du moment.
D’autres pays , comme la Suède ont procédé à la pénalisation des clients de ce trafic d’être humains.
Je vous demande, avec, le réseau « encore féministes »
-de prendre des mesures de protection des personnes prostituées,
- de réprimer plus efficacement les réseaux de proxénétisme,
- de développer une politique de prévention, ainsi que d'éducation à une sexualité responsable.
Je vous remercie de votre prise de position rapide et juste, évitant un dérapage des débats et de la situation françaises sur cette question d’une alarmante actualité.

Collectif Féministe Contre le Viol
9 Villa d’Este 75013 Paris Tél : 01 45 82 73 00 Email : collectiffeministe.contreleviol@wanadoo.fr
Réaction à la déclaration de madame Françoise de Panafieu le 1er juillet 2002 sur Radio Europe

Madame Françoise de Panafieu propose la réouverture des maisons closes pour protéger la population de la vision des hommes et des femmes prostitués, " permettre à la police de pénaliser le racolage " et " assurer un suivi sanitaire ".
Cette proposition et les arguments avancés ne sont pas entendables. Madame Françoise de Panafieu cible directement les personnes prostituées. Elle les tient pour uniques responsables de la prostitution, oubliant que la prostitution est organisée par les proxénètes et qu’elle n’existe que par la demande des clients.
Elle ne veut pas s’attaquer aux causes de la prostitution : elle ne propose pas de lutter contre le proxénétisme. Son objectif n’est pas de protéger les femmes et hommes prostitués en les aidant à sortir des réseaux de proxénètes, mais de les cacher du regard des " honnêtes citoyens ", qui sont pourtant les clients de ces mêmes personnes.
Vouloir " assurer un suivi sanitaire " et considérer cette pratique comme un métier, c’est nier que la prostitution implique des femmes et des hommes victimes de violences. C’est aussi tolérer l’exploitation sexuelle et l’esclavage.
La réouverture des maisons closes serait un recul dans la lutte contre la prostitution et dans la protection de ces personnes, qui pourront continuer à être exploitées, violentées et violées.


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Réponse de Nicole Ameline, Ministre déléguée à la Parité et à l'Egalité Professionnelle, à Monique Campion, 6 août 2002 (ainsi qu'à d'autres signataires du manifeste "Encore féministes !" lui ayant écrit)

Madame,

La lettre du 4 juillet 2002 dans laquelle vous exprimez votre inquiétude d'une éventuelle autorisation des maisons closes, m'est parvenue et a retenu toute mon attentiion.
La France a fait le choix de l'abolitionnisme en ratifiant la Convention des Nations Unies pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui de 1949 qui juge la prostitution incompatible avec la dignité et la valeur de la personne humaine. Cette considération inspire mon action à la tête de ce ministère.
Le débat récemment ouvert dans la presse est lié à l'arrivée massive de prostituées en provenance de pays de l'Est ou d'Afrique qui rend indispensable une nouvelle approche du phénomène prostitutionnel. Or, l'adoption par le Parlement français de la loi autorisant la ratification du protocole de la Convention de Palerme visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, est l'occasion d'inscrire la position abolitionniste française dans le débat international et européen.
Elle doit conduire également, puisque le protocole porte sur tous les aspects de la traite des personnes, à compléter notre code pénal afin d'incriminer la traite des personnes et développer des mesures de prévention ainsi que de protection et d'assistance des victimes.
Un travail interministériel se met en place et j'ai déjà reçu des propositions de coopération de plusieurs de mes homologues européens.
Cette entreprise s'inscrira dans la durée et exigera persévérance et détermination. J'espère pouvoir compter sur le soutien de tous ceux qui, comme vous, ne peuvent demeurer indifférents à cette forme d'esclavage qui prospère au sein de l'Europe démocratique que nous construisons.
Je vous prie d'agréer, Madame, l'expression de mes salutations distinguées.
Bien à vous
Nicole Ameline

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Lettre de Sylvie Chaussée à Nicole Ameline, avec copie à Françoise de Panafieu, le 4 juillet 2002
Madame la Ministre,
Je vous écris au sujet des déclarations de Françoise de Panafieu, députée UMP qui s’est prononcée en faveur de « maisons closes » pour la prostitution.

La prostitution est toujours le résultat de la rencontre entre la misère et l’exploitation. Misère des personnes prostituées, exploitation de cette misère par les proxénètes et les clients.
Tolérer des « maisons closes » c’est légitimer cette exploitation.

La Convention internationale de 1949, ratifiée par la France, interdit d’ailleurs d'organiser l'exploitation de la prostitution.

Au troisième millénaire, serait-il envisageable de rétablir l’esclavage, au motif qu’il permettrait de mieux contrôler le travail au noir et les ateliers clandestins ? Je ne le crois pas. La proposition de rouvrir des maisons closes procède de la même logique.

Cette proposition s’appuie peut-être sur le mythe du « libre choix » de la personne prostituée ? Quand on sait de quel poids pèse la condition de la prostitution, peut-on croire qu’il y a une liberté à "choisir" un destin d’aliénation et de culpabilisation ? Il est plus exact de dire que "choisir" la prostitution revient souvent à opter pour une forme de suicide.
La France créerait-elle des lieux organisés pour permettre aux personnes en détresse de se suicider « proprement » ?

La société - et principalement le client - préfère croire à la liberté de la personne prostituée afin d’éviter tout questionnement, toute culpabilisation. Entretenir ce mythe équivaut à fuir ses responsabilités et éluder toute interrogation fondamentale.
Respecter les personnes prostituées ne conduit jamais à respecter la prostitution, mais au contraire à la condamner et la combattre.

La prostitution n’est pas, ne sera jamais un "métier". C’est une exploitation du corps humain et, au-delà, une instrumentalisation de personnes au profit d’autres. Faire de la sexualité une marchandise, c'est bafouer la dignité humaine. Et l’enfermement d’êtres humains pour mise à disposition sexuelle, quelles qu’en soient les conditions, est et restera toujours une ignominie.

D’un point de vue sanitaire, les prétendues garanties des maisons closes sont illusoires. Un contrôle médical y rassurerait les clients, eux-mêmes exemptés et toujours irresponsables. Cette fausse sécurité serait dangereuse. L’expérience a en effet montré que, dans un domaine où la corruption est courante, rien ne saurait garantir l’efficacité des contrôles ni la mise à l’écart des malades. En ce qui concerne le sida, un résultat négatif peut être mensonger étant donné la durée d’incubation de la maladie.
Invoquer de prétendues garanties sanitaires rappelle en outre ces Etats dictatoriaux où l’on pratique la torture sous contrôle médical. Un tel contrôle rend-il la torture acceptable ?

Pour toutes ces raisons et bien d’autres, je condamne l’idée de créer des « maisons closes » : il s’agit d’une idée archaïque et inacceptable. La responsabilisation de chacun, à commencer par celle des clients, est autrement d’actualité.

C’est pourquoi je vous demande de réaffirmer l'attachement du gouvernement au régime abolitionniste, et donc son opposition au système de « maisons closes ».
Je demande aussi au gouvernement :
- de prendre des mesures de protection des personnes prostituées,
- de réprimer plus efficacement les réseaux de proxénétisme,
- de développer une politique de prévention, ainsi que d'éducation à une sexualité responsable.

Oui, un changement de la loi française au sujet de la prostitution est indispensable. Le pays des Droits de l’Homme ne peut en faire l’économie. Et justement parce que la France reste la patrie des Droits de l’Homme, la loi française doit se prononcer clairement et fièrement pour l’abolition de la prostitution, dernière survivance tolérée de l’esclavage dans un pays dit développé.
Je vous prie de recevoir, Madame la Ministre, mes salutations distinguées.
Sylvie Chaussée
P. S. : pour une meilleure connaissance de la réalité de la prostitution et de ses conséquences, je vous recommande le site Internet de l’association Le Nid, qui œuvre depuis des années en faveur des personnes victimes de la prostitution.
http://www.mouvementdunid.org/

Document reçu par Sylvie Chaussée le 10 août et émanant du cabinet de Nicole Ameline
Madame,
Votre courrier du 4 juillet 2002 a retenu l'attention de Madame Nicole AMELINE.
Croyez bien qu'elle est sensible à vos préoccupations.
Pour votre parfaite information sur sa position concernant la réouverture des «maisons closes», je vous adresse le document en 10 points sur la question de la lutte contre la prostitution. -
Je vous prie d'agréer, Madame, mes salutations distinguées.


Bernard POMEL (directeur de Cabinet)


Position en 10 points de Madame Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle sur la question de la lutte contre la prostitution

1. La France a fait le choix de l'abolitionnisme, se conformant par là à la convention des Nations unies du 3 décembre 1949, qu'elle a ratifiée en 1960. Elle condamne le proxénétisme et les autres formes d'exploitation de la prostitution d'autrui, même avec consentement. Elle poursuit les manifestations ostensibles d'activité prostitutionnelle sur la voie publique. En revanche, l'activité prostitutionnelle en elle-même ne fait l'objet ni d'un contrôle, ni d'une pénalisation.

2. Le débat existe aujourd'hui en Europe. Les mesures prises par les Etats membres de l'Union européenne, sur cette question, font apparaître trois grandes approches :

- l'abolitionnisme (France)
- l'abolitionnisme assorti de mesures à l'encontre du client (Suède )
- le réglementarisme faisant de la prostitution un métier à part entière, qui peut s'exercer dans des lieux réservés (Allemagne, Belgique et Pays-Bas).

Parallèlement, certains pays comme l'Italie et la Belgique ont adopté des mesures accordant aux prostituées étrangères des cartes de séjour temporaires, sous réserve qu' elles acceptent de collaborer avec la police et la justice dans le but de démanteler les filières du proxénétisme.

3. L'acuité nouvelle du problème prostitutionnel en France est notamment liée à l'arrivée massive de prostituées en provenance des pays de l'Est et de pays d'Afrique et d'Asie, qui rend indispensable une nouvelle approche de ce problème.

4. La question de la réouverture des « maisons closes », qui est à nouveau évoquée, ne supprimerait pas la violence faite aux femmes. Elle entérinerait une forme de servitude et d'esclavage qui attente à la dignité de la personne humaine. Elle laisserait de côté la question des victimes de la traite des êtres humains, qui sont par nature très mobiles et qui ne trouveraient pas place dans de tels lieux, ainsi que le montre l'expérience des Pays-Bas et de l'Allemagne. Elle n'éliminerait donc pas l'inconfort et l'insécurité pour les riverains, résultant de la prostitution de rue, qui dégrade les quartiers concernés. En outre, elle légitimerait une forme de prostitution interdite en France depuis 1946.

5. Le processus, en cours, de ratification du protocole additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée (convention de Palerme), visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, réaffirme la position abolitionniste française et l'inscrit dans l'actuel débat international et européen sur le sujet.

Il convient de traduire ce protocole dans notre droit national et d'insérer dans notre code pénal des dispositions qui permettent d'incriminer et de punir sévèrement les auteurs et les complices de ces trafics.

Peut-être faut-il également assouplir les conditions d'obtention de la carte de séjour, voire de résident, aux personnes étrangères témoignant ou portant plainte contre les trafiquants.

La protection des victimes et la solidarité qu'elles méritent nécessitent une réponse rapide, coordonnée et efficace, dans le respect des droits fondamentaux de la personne et en partenariat avec les intervenants « de terrain », qui font un travail remarquable.

Le devoir de prévention qui nous incombe impose une réflexion sur les causes de l'exploitation sexuelle des êtres humains par d'autres êtres humains. Quel monde, quelle société construisons-nous pour les jeunes d'aujourd'hui et ceux de demain ? Quelle image de la femme, des relations amoureuses ou sexuelles, des relations hommes/femmes leur proposons-nous ? Ce sont autant de questions auxquelles il faut apporter des réponses.

6. Au nom de la dignité de la personne humaine, il faut tout mettre en œuvre pour démanteler les réseaux mafieux du proxénétisme. Je soutiens donc l'action menée par le Ministre de l'Intérieur, qui s'est attelé à cette tâche. Les trafiquants doivent savoir que notre pays fera tout pour éradiquer ce fléau.

7. Je souhaite, avec les membres du Gouvernement concernés, engager un travail en profondeur sur les facteurs favorisant le développement de la prostitution sous toutes ses formes et sur les moyens à utiliser pour enrayer ce phénomène. L'action à mener passe notamment par l'éducation des filles et des garçons, par la prévention dans les milieux sensibles, par l'accompagnement et par l'aide à la réinsertion des prostituées désireuses de rompre avec ce milieu et cette activité.
Ce travail se fera en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés ou déjà impliqués dans la lutte contre la prostitution ou l'aide à la réinsertion.
Je serai la constitution d'un groupe de travail interministériel, comprenant notamment des représentants des ministères de l'intérieur, de l'éducation nationale, de la lutte contre l'exclusion, de la justice, de la santé, de l'économie et des finances, des affaires étrangères et européennes, ainsi que des représentants d'associations et des personnalités qualifiées.

Ce groupe de travail devra suggérer de nouveaux instruments statistiques destinés à mieux cerner l'importance et la diversité du phénomène prostitutionnel et proposer des moyens juridiques adaptés pour traiter ce problème majeur de notre société.

8. On ne fera pas l'économie d'une réflexion sur le rôle des clients, sur leurs motivations et sur leur responsabilité. La prostitution n'est pas un métier. Ce n'est pas un service comme un autre. C'est une violence faite aux femmes.

9. J'ai bien conscience d'engager une œuvre de longue haleine, qui exige détermination et persévérance, mais qui est absolument nécessaire. La dignité d'un pays s'analyse à la place faite aux femmes. C'est ce qui nous conduit à refuser la prostitution.

10. Le respect de la dignité de la personne humaine est au cœur de mes préoccupations de ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle.
Il guidera toute mon action, sur cette question comme sur toutes les autres.


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Réponse de Françoise de Panafieu reçue par Sylvie Chaussée

Chère Madame,
Vous m'avez écrit le 4 Juillet à propos de la prostitution qui se développe de manière insupportable actuellement.
Ce phénomène est indigne, pour une Nation qui se dit par ailleurs Patrie des Droits de l'Homme et du Citoyen.
Comment concilier cette exigence d'une part, et laisser se développer sans rien faire comme ce fut le cas depuis 1997, cet esclavage humain ?
Cette situation est aussi inacceptable pour les habitants des quartiers concernés qui ne supportent plus, à juste titre, de tels agissements.
Elle est enfin intolérable pour ces femmes en proie à une détresse morale et physique immenses.
Le sens de mes propos n'est pas de prôner systématiquement l'existence des lieux géographiquement déterminés où pourrait s'exercer la prostitution, mais de prendre des décisions de telle sorte que des réponses soient apportées à ce que nous voyons se dérouler sous mes yeux et qui n'a que trop duré.
Ma démarche essaie aussi de dépasser l'hypocrisie ambiante. Ou bien nous adoptons une position correspondant plus à l'esprit de l'Europe Latine, interdisant la prostitution ; ce serait peut-être la solution, tout en ayant bien conscience que nous la ferons basculer pour partie dans la clandestinité.
Ou bien, nous nous dirigeons plus vers la position adoptée par certains pays d'Europe du Nord, tolérant l'idée qu'il existe une prostitution non esclavagiste et exercée librement et alors, elle doit impérativement être réglementée et contrôlée. Mais là aussi, il ne faut pas se raconter d'histoires; cette solution ne met pas, à coup sûr à l'abri des réseaux mafieux qui peuvent infiltrer et continuer donc d'exercer un pouvoir sur notre territoire national.
La seule question indispensable est, à mon sens, de ne rien faire comme c'est le cas depuis cinq ans. Je joins à ma lettre les deux questions que j'avais posées au Ministre de l'Intérieur il y a deux ans, lors des questions à l'Assemblée Nationale, ainsi que la demande de création d'une commission parlementaire sur le sujet.
Il est plus que temps d'agir, et le nouveau Ministre de l'Intérieur, Nicolas SARKOZY, a affirmé encore la semaine dernière sa volonté d'aller dans ce sens, pour que l'ordre public soit enfin respecté.
Si les solutions, tant dans le domaine de la répression que dans celui de la protection de ces femmes prostituées étaient évidentes, il y a fort à parier qu'elles auraient été depuis longtemps appliquées. Nous avons tous conscience de la difficulté de la situation. A nous tous de savoir aborder ce débat sans faux-semblant sans trop de préjugés et de passion, pour trouver ensemble des réponses adaptées aux exigences et à la mentalité de notre Nation et faire cesser cet esclavage.
Je vous prie d'agréer, Chère Madame, à l'assurance de mes sentiments les meilleurs.
Françoise de PANAFIEU



Voir aussi "Payer pour ça, c'est nul!" (témoignages d’hommes)
Des textes de Florence Montreynaud sur la prostitution