Encore feministes !

Sommaire

Action n°28 - 2 novembre 2005
Sexisme au CNRS ?

 

Le réseau "Encore féministes !" se joint à l'inititative (texte ci-après) de l'association Mix-Cité demandant l'autosaisine de la HALDE au sujet d'une discrimination sexiste au CNRS (Centre national de la recherche scientifique)

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Les associations soussignées souhaitent porter à la connaissance de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Egalité (HALDE) les faits suivants.

Le Conseil d'Administration du CNRS vient d'être renouvelé selon la composition ci-dessous :
- 1 président-e du Centre
- 3 représentant-e-s de l'Etat
- 1 représentant-e de la CPU
- 4 membres élu-e-s
- 12 personnalités qualifiées nommées par décret sur proposition du ministre chargé de la recherche.

Les 12 personnalités nommées par l'actuel Ministre délégué à la Recherche, François Goulard sont toutes des hommes. La liste préparatoire des candidats potentiels présentait 31% de femmes. Au total, l'actuel CA du CNRS comporte 20 hommes et 1 femme.

L'éviction de la quasi-totalité des femmes de ce CA a suscité de nombreuses réactions dans la communauté scientifique comme en témoignent des deux pétitions ainsi que le courrier d'Elisabeth Dubois-Violette, directrice de recherche, ancienne présidente du Conseil scientifique du CNRS et membre du Comite de pilotage de la Mission sur la place des femmes au CNRS.

Interviewé par le journal Le Monde du 22 octobre 2005, le Ministre a répondu comme suit :
« Interrogé jeudi, M. Goulard rejette catégoriquement toute volonté de discrimination. "Le problème vient de ce que cette dame -Elisabeth Dubois-Violette- se serait bien vue à un poste de direction. La question est de savoir si elle était la plus désignée pour celui-ci. " Et le ministre d'ajouter, se tournant vers sa collaboratrice : "Maintenant, si ça peut vous faire plaisir, je peux nommer mon assistante." »

Nous estimons que cette réponse n'est pas suffisante comme justification de ce qui nous semble être une discrimination envers les femmes.

Par conséquent, nous demandons à la HALDE de s'auto-saisir d'une enquête sur ce cas et de demander au ministre François Goulard de prouver qu'il ne s'agit pas là d'une discrimination en raison du sexe des personnes évincées.

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lettre envoyée à Monsieur Dominique de Villepin, Premier Ministre, le 25 octobre 2005.
Les associations femmes et mathématiques et « Femmes et Sciences »
s'associent au mouvement de dénonciation de la sous-représentation des femmes suscité par la composition du nouveau Conseil d'administration du CNRS. Seule une femme - sur 21 membres - siège dans le Conseil du plus grand organisme de recherche européen. Cette situation est inacceptable et augure mal de l'avenir dans un contexte de profonde réforme du système national de recherche.
Les propos de Monsieur Goulard, Ministre délégué à l'Enseignement supérieur et à la Recherche, en réponse aux questions sur ces nominations, tels qu'ils ont été rapportés dans le journal Le Monde du 22 octobre dernier, tiennent, pour le moins, d'un manque de considération à la fois pour les intéressées et pour la communauté scientifique toute entière.
Les associations femmes et mathématiques et « Femmes et Sciences » sont également indignées par l'avant-projet de loi de programme pour la Recherche, dont l'exposé des motifs ne fait pas une seule fois référence aux chercheuses et aux enseignantes, pas plus qu'aux citoyennes, aux femmes et aux jeunes filles. L'utilisation systématique de termes génériques est un style faussement neutre qui dénote une absence de volonté politique forte et permanente pour promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux emplois supérieurs de la fonction publique en général, et ceux de la recherche en particulier.
A cet égard les indicateurs et les rapports les plus récents convergent et dénoncent la trop lente évolution de la mixité, de la parité, de l'égalité des chances des hommes et des femmes de notre pays.
Des progrès sont à réaliser dans le domaine de la recherche, dans toutes les disciplines, des sciences dites dures aux sciences humaines, comme en témoigne l'indicateur statistique de l'avantage masculin, qui quantifie la difficulté de promotion des femmes par rapport aux hommes. Plus cet indicateur est grand, meilleure est la carrière des hommes par rapport à celle des femmes. A l'université, l'avantage masculin en sciences humaines est de 1,9, alors qu'en chimie il est de 2,9, en biologie et biochimie de 3,8. Pour le CNRS dans son ensemble, il vaut 1,6.
En France, le vivier de femmes scientifiques compétentes et susceptibles d'assumer des responsabilités au plus haut niveau dans les instances de décisions et d'évaluation de la recherche existe bel et bien. Ainsi, à l'Académie des Sciences, qui a « su engager, tout en restant fidèle à sa vocation, une profonde réforme de ses statuts, tant sur le plan de ses membres que sur celui de ses missions », on compte aujourd'hui 13 femmes scientifiques de très grande renommée internationale, alors qu'il n'y en avait que 5 parmi ses 140 membres à la fin des années 1990.
A l'université, le pourcentage de femmes parmi les professeurs d'université a augmenté et atteint aujourd'hui 17 %. Seul le pourcentage de femmes au CNRS fait preuve d'une navrante stabilité : 30 % après la seconde guerre mondiale, 31 % en 2003 !
Quel « pacte pour la recherche » le gouvernement entend-il établir sans s'adresser à ces jeunes filles et femmes qui représentent un potentiel inestimable pour la R&D nationale, et européenne dans un contexte de compétitivité internationale ?
Certains pays ne s'y trompent pas. Leurs systèmes d'enseignement supérieur et de R&D s'attachent à former et à capter les compétences scientifiques et techniques des femmes et des hommes et leur offrent des carrières scientifiques attractives et évolutives.
Les conseils de Lisbonne et de Barcelone ont fixé pour l'Union européenne à l'horizon 2010 des objectifs très ambitieux, qui nécessitent une augmentation de quelques 750 000 chercheurs et ingénieurs, ce qui ne pourra être réalisé sans la contribution massive des femmes.
Dans cette perspective, la loi Fillon sur l'école s'est fixée comme objectif l'augmentation du nombre de filles dans les filières scientifiques et techniques.
Alors que se discute le projet de loi de programme pour la Recherche, il est plus que jamais nécessaire que le gouvernement, les élus et les élues adressent des messages cohérents et forts pour inciter les jeunes filles à entreprendre des études scientifiques et techniques, à s'engager dans les métiers de la recherche et à apporter aux postes de responsabilité la diversité et la richesse de leurs talents aux côtés de leurs collègues masculins. Egalement -et n'est-ce pas la moindre des choses ?- que les membres du gouvernement de la République, a fortiori celui chargé de la Recherche, témoignent à l'égard des femmes appartenant à la communauté scientifique ou aspirant à y entrer, du minimum de respect dû à la dignité de chacune et de chacun.