Encore feministes !

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Action n°22 - février 2005
"Écrivaines et fières de l'être" : réponse à M. Frédéric Beigbeder

 


par Florence Montreynaud, Benoîte Groult, Annie Ernaux, Maryse Wolinski, Christiane Collange, Xavière Gauthier, Geneviève Brisac, Juliette Mincès, Olympia Alberti, Maud Tabachnik, Sylvie Debras, Anne Parlange, Angeline Montoya, Murielle Pigot, Françoise Guyon, Marie-Hélène Dumas, Marie Desplechin,Céline Robinet, Cy Jung, Séverine Auffret, Leïla Sebbar, Françoise Neveu (écrivaines françaises)
Thérèse Moreau, Maryse Renard, Janine Massard, Silvia Ricci Lempen (écrivaines suisses)
Élaine Audet, Louise Cotnoir, Micheline Dumont, Gloria Escomel, Lise Harou, Annie Molin Vasseur, Hélène Pedneault, Claire Varin, France Théoret ; Claudine Bertrand, Louise Blouin, Linda Laporte et France Boucher, de la revue ARCADE, Liliane Blanc, Gisèle Chamberland (écrivaines québécoises)
Bérengère Deprez (écrivaine belge)


Quarante ans, et déjà si vieux ronchon ! Frédéric Beigbeder intitule sa chronique dans le magazine Lire février 2005) « Mon premier article réac »*. Il s’y déchaîne contre le mot écrivaine. Ce n’est même pas réac, c’est ringard ! On se croirait revenu au 20e siècle, au temps où ministre, polytechnicien, académicien ou directeur n’avaient pas de féminin ; pire, au 19e siècle, au temps où les parents de Camille Claudel interdisaient à leur fille de faire un métier qui n’existait qu’au masculin : sculpteur.
« Je ne supporte pas les ''écrivaines'', déclare Beigbeder, c'est physique. J'attrape une éruption cutanée dès que je lis ce terme immonde. » Immonde ! Comment un mot peut-il devenir dégoûtant, infect, répugnant… quand il est mis au féminin ? Comment l’ajout d’un simple e peut -il rendre ignoble le si noble écrivain ?
Réveillez-vous, cher confrère ! Nous sommes au 21e siècle : le mot écrivaine est admis et utilisé. Vous déplorez que le milieu culturel l’ait assimilé et que la polémique se soit éteinte : « Des journalistes sérieux, des critiques respectés, écrivez-vous, tombent dans ce panneau pseudo-féministe importé du Québec. »
C’est en effet du Québec, de Suisse et de Belgique que provient le bon sens francophone : écrivaine est aussi correctement formé que souveraine ou châtelaine. Il ne s’agit nullement de « pseudo-féminisme », mais d’authentique langue française, celle que partagent tous les francophones, celle que font vivre les écrivaines comme les écrivains, et qui évolue avec les réalités du monde moderne.
Pourquoi ne suis-je pas un écrivain ? Parce que je suis une femme de mon temps. Un temps où toutes les professions sont ouvertes aux deux sexes. Un temps où on appelle un chat un chat, une chatte une chatte, et une femme comme moi une écrivaine.


* Vous pouvez lire la chronique de Frédéric Beigbeder sur le site http://www.lire.fr/chronique.asp/idC=48007/idR=142/idG=

Ce texte est paru dans Le Monde du 16 février 2005, sous le titre « Écrivaines et fières de l'être » ; il est cosigné par Florence Montreynaud, Benoîte Groult, Annie Ernaux et Maryse Wolinski, écrivaines. Il a aussi été publié dans Lire de mars 2005.

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