Encore feministes !

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Interdit aux femmes / Für Frauen verboten — Hamburg, Herbertstrasse

 

Interdit aux femmes

Hambourg, 18 avril 2003
Je me trouve avec ma fille près du port, dans le quartier de prostitution, le fameux Sankt-Pauli qui a inspiré le dessinateur alsacien Tomi Ungerer. Dans le guide, nous avons lu que la rue où des femmes prostituées sont exposées en vitrine est interdite aux femmes. Cela nous intrigue et nous attire. Ma fille a 25 ans, elle est grande et solide. Il est 19h, il fait jour, il n’y a pas grand monde dans les rues. Nous décidons d’y aller.

Nous arrivons à l’une des entrées de la Herbertstrasse. Elle est barrée dans toute sa largeur par un grand panneau métallique de 2,50 m de haut où seule une petite ouverture est ménagée. Le panneau est couvert par une publicité pour des cigarettes, qui représente des jambes de femme avec des bas rouges et des talons aiguilles. Slogan : « Grenzen sind zum Überschreiten da » (traduction « Les frontières sont faites pour être transgressées. » D’un côté, une inscription en allemand : « Zutritt für jügendliche unter 18 und Frauen verboten » — de l’autre la même en anglais : « Entry for men under 18 and women prohibited ». Traduction : « INTERDIT AUX HOMMES DE MOINS DE 18 ANS ET AUX FEMMES ». (À l’autre entrée, la rue est défendue par le même panneau.)
Ma fille est indignée : « Pourquoi pas interdit aux Noirs ? Quel apartheid ! » Moi, je pense aux interdictions faites aux juifs sous le nazisme.
Nous voyons sortir deux ou trois groupes d’hommes bruyants. Nous entrons. Sur la chaussée, une dizaine d’hommes déambulent, répartis en petits groupes.
La rue est large de cinq à six mètres. Sur cinquante mètres de long, des deux côtés, les vitrines se succèdent. Jusqu’à la moitié de la rue, aucune présence humaine ; derrière la vitre, on ne voit que des fauteuils, recouverts de grandes serviettes-éponge ou de tissus. On dirait des sièges de dentiste, ou d’esthéticienne. La vitrine est éclairée faiblement, ou éteinte. Le décor est sommaire : derrière le fauteuil, une banquette, ou un tabouret.
À mesure que nous avançons, nous voyons des femmes assises dans ces fauteuils ; elles sont de face, maquillées, vêtues de sous-vêtements, jambes croisées. Nous pressons le pas, et nous arrivons presque à la fin de la rue. Tout à coup, des cris, du bruit : de la dernière vitrine, une femme sort et, tout en nous criant de déguerpir (sans distinguer les mots, nous comprenons parfaitement le sens !), elle lance dans notre direction un liquide contenu dans un petit récipient, qui atteint le manteau de ma fille.
Nous nous dépêchons de sortir, choquées, révoltées, muettes. Un groupe d’hommes bruyants entre, une canette de bière à la main. Nous relisons l’interdiction « aux jeunes et aux femmes ».

***
« Interdit aux jeunes » : les adultes tiennent donc à les protéger de cette vision de femmes-marchandises et d’hommes acheteurs de viande !
Quant aux femmes, n’est-ce pas une façon de les diviser en « mamans » et en « putains » ? D’un côté de la barrière, des femmes prostituées, de l’autre, celles qui ne doivent rien connaître de ce monde. C’est aussi un rappel de la norme hétérosexuelle : seuls des hommes sont autorisés à payer pour ça.
Nous nous sentons renvoyées, nous, femmes non prostituées, à notre « place » dans l’ordre traditionnel : à la maison, à attendre le retour de l’homme, calmé après sa vidange de couilles, et prêt à manger le dîner préparé par la « maman » !

***

Et maintenant, à vous !

Quand vous avez lu ces mots : « elle lance dans notre direction un liquide », à quel liquide avez-vous pensé ?

Comment interprétez-vous l’action de cette femme ?

Comment auriez-vous réagi, si vous aviez été à notre place ?

Les photos ci-dessous sont de Léonore Branche.

Für Frauen verboten

Hamburg, 18. April 2003.
Ich bin mit meiner Tochter im Rotlichtviertel in der Nähe des Hafens, dem berühmten St. Pauli, das den elsässischen Zeichner Tomi Ungerer inspiriert hat. Im Reiseführer haben wir gelesen, dass die Herbertstraße, in der Prostituierte in Schaufenstern sitzen, für Frauen verboten ist. Das macht uns neugierig und lockt uns an. Meine Tochter ist 25, groß und kräftig. Es ist 19 Uhr, noch hell; auf den Straßen ist wenig los. Wir beschließen, dort hinzugehen.

Wir kommen zum Eingang der Herbertstraße. Sie ist über die ganze Straßenbreite mit einem 2, 50 m hohen, nur mit einer kleinen Türe versehenen Metallzaun versperrt. Auf dem Zaun befindet sich eine Zigarettenwerbung mit einer Frau in roten Strümpfen und Stöckelschuhen . Slogan : « Grenzen sind zum Überschreiten » Auf dem Zaun befindet sich auch eine Inschrift auf Deutsch: «Zutritt für Jugendliche unter 18 und Frauen verboten »; am anderen Ende wird die Straße von einem ähnlichen Zaun versperrt mit einer englischen Inschrift : « Entry for men under 18 and women prohibited » (Übersetzung : « Für Männer unter 18 und Frauen verboten »)
Meine Tochter ist entrüstet : « Warum gilt das Verbot nicht auch für Schwarze ? Was für eine Apartheid! »Ich muss an die Verbote für Juden in der Nazizeit denken.
Wir sehen, wie zwei oder drei Gruppen lärmender Männer herauskommen. Wir gehen hinein.
Auf der Straße gehen ungefähr zehn Männer in kleinen Grüppchen.
Die Straße ist fünf bis sechs Meter breit. Auf einer Länge von fünfzig Metern auf beiden Straßenseiten eine Abfolge von Schaufenstern. Bis zur Hälfte der Straße ist keine Menschenseele zu entdecken ; hinter der Fensterscheibe sieht man nur mit Frotteehandtüchern oder Stoff bezogene Sessel. Es könnten Behandlungsstühle beim Zahnarzt oder der Kosmetikerin sein . Das Fenster ist schwach beleuchtet oder dunkel. Eine spärliche Dekoration : hinter dem Sessel eine Sitzbank oder ein Hocker. Beim Weitergehen sehen wir Frauen in den Sesseln sitzen; man sieht sie von vorne, in Unterwäsche, mit übereinandergeschlagenen Beinen, sie sind geschminkt . Wir beschleunigen unsere Schritte und sind fast am Ende der Straße angekommen.
Plötzlich Schreie und Lärm : aus dem letzten Schaufenster kommt eine Frau und schreit, dass wir abhauen sollen (auch wenn wir im Einzelnen nichts verstehen, erfassen wir doch, worum es geht). Sie schüttet eine Flüssigkeit aus einem kleinen Behälter auf den Mantel meiner Tochter .
Wir beeilen uns, wegzukommen; wir sind schockiert, empört, stumm. Eine Gruppe lärmender Männer mit einer Bierdose in der Hand geht hinein. Wir lesen nochmals das Verbotsschild für « Jugendliche und Frauen ».

***
« Für Jugendliche verboten » : die Erwachsenen wollen sie also vor diesem Anblick von Frauen als Ware und von Männern als Käufern von Fleisch bewahren!
Was die Frauen betrifft, unterteilt man sie so nicht in „Mamas“ und in „Huren“? Auf der einen Seite des Zaunes Frauen, die sich prostituieren, auf der anderen Seite die Frauen, die von dieser Welt nichts wissen sollen . So wird man auch an die heterosexuelle Norm erinnert : Nur Männer dürfen dafür bezahlen.
Wir als Nicht - Prostituierte fühlen uns an den uns traditionell zugedachten Platz zurückverwiesen : zu Hause warten wir auf den befriedigten Mann, der seine Eier geleert hat und nun das von der „Mama“ zubereitete Essen verzehren kann !

***

Und nun sind Sie dran !

Als Sie « sie schüttet eine Flüssigkeit aus einem kleinen Behälter auf den Mantel meiner Tochter“ gelesen haben, an welche Flüssigkeit haben Sie da gedacht?

Wie verstehen Sie das Vorgehen dieser Frau ?
Wie hätten Sie an unserer Stelle reagiert ?
(Übersetzung : Hilla Heintz)

Réponses et commentaires
de signataires "Encore féministes !"

Du sperme ! Des milliards de spermatozoïdes pour conjurer le mauvais sort et guérir le mal par le mâle : elles vous ont prises pour des lesbiennes en recherche de nouvelles expériences.
Clara Domingues

D'abord je n'y serai pas allée Je suis une golfeuse. Dans certains golfs en Angleterre, le club house est interdit aux femmes, je ne vais pas jouer sur ces parcours. Je les ignore, et je ne leur donne pas mon argent non plus. De plus je comprends que les hommes aient envie de rester entre eux. Moi j'aime faire des soirées avec rien que des femmes. (…)
Je pense que la prostituée ne voulait pas être jugée par d'autres femmes. Si une rue leur est réservée c'est aussi pour les protéger des regards réprobateurs ou sarcastiques des "femmes bien". Les hommes consomment, les visiteuses étaient des voyeuses.
Et pour le liquide, elle a pris ce qu'elle avait sous la main.
Quand on transgresse, il faut savoir assumer la colère des autres. Visiblement les hommes n'ont rien dit.
Bref, ça ne me choque pas.
Dominique Fachon

Incroyable cette histoire...je ne savais pas que cette interdiction faite aux femmes (et aux jeunes) existait. Quel scandale !
À propos du liquide, j'ai pensé tout de suite à de l'acide sulfurique qui est extrêment dangereux et corrosif.
À votre place, je me serais certainement enfuie pour sauver ma peau, puis remise de mes émotions, je serais allée illico faire un scandale auprès de n'importe quelle autorité du coin (flics, mairie...) pour dire que j'avais été agressée et pour dénoncer ces pratiques dignes du pire apartheid.
J'interprète le comportement de cette femme ainsi : elle a voulu vous chasser de là en vous marquant si possible à vie, dans votre chair, en ne craignant aucune poursuite.
Ça n'a pas dû être la première fois pour elle(s) qu'elles ont ainsi chassé des intrus(e)s, et même si elles ont un jour atteint leur cible avec le liquide (en supposant qu'il s'agisse bien d'acide sulfurique) et que ces intrus(e)s se sont plaint(e)s auprès de la police, sans doute que la police n'a pas donné suite et préfère fermer les yeux sur ce genre de pratiques (chasser les intrus), tant qu'il n'y a pas mort "de femme".
Elles comptent ainsi sur la mauvaise réputation de l'endroit (comme Harlem à une époque ou le centre ville de Los Angeles la nuit) pour y rester à l'abri des revendications et manifestations féministes.
Sophie LIAUDET

Comment j’interprète ? Les "honnêtes femmes" viennent nous narguer. Nous ne voulons pas de vous ici.
Le liquide? du colorant rouge, pour tacher? est-ce que la nature du liquide est importante? C'est un geste d'agressivité. Moi, je crois que je n'aurais pas osé entrer. J'en suis même sûre. J'ai déjà bien de la peine à me balader dans les beaux quartiers, ou dans les quartiers trop pauvres: j'ai trop l'impression qu'on voit sur ma figure que je n'y ai pas ma place, alors un quartier de prostituées et d'hommes, avec un panneau d'interdiction à l'entrée... Mais j'aurais été profondément choquée par cette interdiction. De même que je n'admettrais pas que Deauville soit interdite aux pauvres.
Fabienne Vansteenkiste

Je ne sais pas comment j'aurais réagi à votre place... Que faire face à cela ? Ce qui me semble le pire est cette division au sein des femmes. Nous ne sommes pas définies d'abord comme femmes mais catégorisées comme pute ou femme normale, la normalité étant bien entendu déterminée par une convention muette et donc d'autant plus ancrée, une convention... oserai-je les accuser, oui j'ose, une convention masculine.
Bien à vous, tenons le coup !


Quand tu vas chez les femmes... amène ton parapluie ! ;-)
Je me demande si l'interdiction de cette rue aux piétonnes n'est pas plutôt là pour empêcher des femmes de s'y prostituer en franc-tireuses, court-circuitant l'investissement des proprios-prostitueurs. On le saurait si la barrière des langues - et ce n'est pas la seule - ne nous empêchait pas de connaître ce que disait la femme ainsi décrite. C'est une hypothèse qu'il serait facile de vérifier.
Si c'est cela, il y aurait erreur de cible à présenter implicitement l'affaire comme un conflit entre femmes, ce que fait selon moi l'accent mis sur l'épisode final - je veux dire que l'attaquante aurait aussi bien pu être un homme, puisque ce sont surtout des hommes qui contrôlent réellement cette forme-là d'exploitation des femmes.
Il me semble que, ce faisant, le texte détourne vers *une femme* (posée en illustration des femmes présentes dans l'industrie) la responsabilité morale d'un pouvoir qui est celui d'hommes - et cela va jusqu'à la métaphore du jet de liquide à connotation sexualisée...
Quant à la division classique maman-putain, n'est-elle pas de moins en moins vraie avec l'importation des scénarios et du cynisme prostitutionnel dans les rapports hétéro normalisés par une famille et des mariages que les hommes sont maintenant libres de stabiliser ou de quitter à l'envi à mesure que l'État nous entraîne vers un pouvoir biologiste de n'importe quel Père sur femmes et enfants, dans les conditions qui l'arrangent (Loi sur l'autorité parentale)?
À l'appui de cette hypothèse, n'est-il pas significatif qu'aucun des viandards présents dans la rue ne vous ait agressées ou autrement fait sentir que vous ne deviez pas y être?
Par contre, je vous donne entièrement raison pour la notion d'un espace de licence que se réservent les hommes adultes, posés comme des ayant droit à des femmes définies comme consommables et jetables... du moment qu'ils se donnent la caution "morale" d'en tenir à l'écart les mâles de moins de 18 ans... il faut bien leur donner un idéal auquel accéder!
Martin Dufresne
Collectif masculin contre le sexisme, Québec

C'est une expérience terrifiante.
J'ai pensé à du vitriol, jeté aux visages des femmes qui se maquillent dans certains pays (je pense à l'Algérie par exemple). J'ai aussi pensé à du sperme. En tout cas, c'est une manière de vous humilier et de vous "salir" pour vous convaincre que vous êtes dans un lieu interdit.
Adeline Challet

Quand vous avez lu ces mots : « elle lance dans notre direction un liquide », à quel liquide avez-vous pensé ?
À du vitriol d'abord, puis inexplicablement à de l'urine (le manteau n'ayant apparemment pas été calciné).
Je tente d'analyser mes réponses, qui me sont venues spontanément et immédiatement à l'esprit.
1) Le vitriol. Parce que c'est ce qu' "on" jette ordinairement au visage des femmes, en particulier lorsqu'elles outrepassent leurs droits, définis par les hommes. En pénétrant le quartier des prostituées, donc un quartier réservé aux hommes, occupé par les hommes, vous avez enfreint les règles implicites. Vous êtes allées dans un territoire masculin, où les femmes qui ne servent pas sexuellement aux hommes sont proscrites.
2) L'urine. Parce que c'est le déchet par excellence, par lequel on souille son ennemi : on compisse quelqu'un.
Le fait que ce soit en l'occurrence une femme qui projette le liquide ne va pas à l'encontre de ce que j'écris, pour les raisons que je définis ci-dessous.

Comment interprétez-vous l'action de cette femme ?
Comme la preuve qu'elle a définitivement intégré l'idéologie machiste qui la broie. Elle considère vraiment que les femmes qui ne sont pas comme elle n'ont rien à faire dans cet endroit, réservé aux hommes qu'elle considère comme supérieurs ; de même, elle-même se considère comme supérieure aux autres femmes " qui ne savent pas ".
Le mépris qu'ont certaines prostituées (tout au moins les prostituées de longue date) à l'égard des femmes non prostituées s'observe assez souvent et peut s'expliquer par le fait que la connaissance du monde des perversions sexuelles est assimilée à une sorte d'initiation suprême. Les non initiées (toutes les femmes excepté les prostituées) deviennent alors des sortes d' " oies blanches " ridicules qui ne sauraient rien et qui, ne sachant rien, n'ont pas leur mot à dire. Ce fossé créé par les femmes prostituées entre elles et les autres femmes peut être comparé au fossé que les hommes créent entre eux et les femmes dans leur ensemble, par exemple en politique : les femmes ne peuvent pas être politiciennes parce qui'elles ne connaissent rien à la politique. Les femmes prostituées reproduisent contre leurs semblables les mêmes schémas de discrimination que les hommes leur imposent.
Ce soi-disant savoir qu'elles érigent en supériorité est leur façon à elles d'exister et de se poser dans le monde, au moins à leurs propres yeux. En méprisant les femmes comme le font leurs clients, elles ont l'impression d'appartenir elles aussi à cette " élite " masculine qui pourtant les broie. A travers l'idéalisation et l'imitation de l'oppresseur, elles parviennent à ne pas sombrer.

Comment auriez-vous réagi, si vous aviez été à notre place ?
Essayer d'entamer le dialogue... ou, si ça ne marche pas (ce dont je me doute bien), revenir déguisées en hommes et investir un territoire abusivement occupé par les hommes, afin de le rendre à la cité, donc à la neutralité.
Méryl Pinque


Extraits d’une discussion entre des membres d’ATTAC au sujet de ce récit :
« Il semble que certain-e-s n'aient pas compris l'objet de cet exemple significatif, voire ne
comprennent même pas qu'on puisse être choqué-e-s. On vous dit qu'une rue entière est interdite à la moitié de l'humanité, et cela passe comme une information mineure ! Mais imaginez bien que si les femmes avaient le droit de circuler dans cet espace, il se pourrait bien que ce 'triste spectacle', parce que débarrassé de l'exclusivité masculine, perde un tant soit peu de sa cruauté. L'espace public, en général, est la propriété des hommes, et ce phénomène de rues exclusives n'en est que le paroxysme.
Pour ce qui est des 'priorités', les luttes peuvent être menées de front : retraites OU violences faites aux femmes (voir analyse de l'enquête ENVEFF) me paraît être une dichotomie redoutable. ATTAC, très efficace pourfendeur des mensonges économiques, devrait peut-être davantage intégrer dans ses analyses la situation des femmes, qui, je le rappelle, vivent une réalité économique beaucoup plus mauvaise que celle des hommes. Nous sommes nombreux et nombreuses, féministes ou pro-féministes, à apprécier le travail d'ATTAC, ne laissons pas de petites phrases -'droit' des femmes à faire du voyeurisme- gâcher notre enthousiasme ! »

« Tu as raison mais y a-t-il problème réel ? Il me semble que ce petit bout de rue est certainement plus choquant par ce qui s'y passe que par cette interdiction que j'ai en effet lue et que je n'ai pas crue effective car il n’y a personne pour contrôler. On m'a expliqué qu'en effet dans le passé il y avait physiquement un garde. Je dirais d'ailleurs que St Pauli a été très longtemps squatté du moins tant qu'Hambourg a eu une municipalité Socialo Verts et qu'apparemment ni la municipalité ni les squatteurs n'ont pas jugé utile de faire enlever ce panneau qui est vu comme quelque chose d'historique. Peut-être aussi que cette dame en vitrine n'a pas beaucoup apprécié que l'on vienne la voir comme une bête curieuse?
Je conseille à cette dame qui me semble allemande d'acheter et lire un livre sur ce quartier avant de se sentir exclue. »

« Félicitation à cette femme, qui a su dépasser l'interdit fait par la loi et rompre le silence, en racontant son expérience. Cette histoire renvoie directement à la problématique des moyens de subsistance. Au-delà du marché de l'être humain (prostitution, ventes d'organes et autres horreurs) qui est à la pointe de l'atroce, toute activité, qu'il s'agisse de fesses ou de cerfs-volants, si elle est lucrative, déclenche une pléthore de phénomènes individuels et collectifs débiles et consternants. Contrairement aux apparences, le commerce provoque d'innombrables mécanismes pervers qui (ne parlons même pas de fraternité égalité liberté) n'ont aucun rapport avec la dignité. Vendeurs, clients et autorités officielles se retrouvent inévitablement coincés dans un petit jeu plutôt inavouable où le premier cherche à plumer un pigeon, le second souhaite satisfaire un caprice et où le troisième tente de pondre un cadre légal à cela. Lorsque clients, vendeurs et législateurs acceptent les règles, ils se retrouvent bestialement complices et sont prêts à protéger cette atteinte à l'humanité tant souhaitée, y compris par l'agression de personnes indésirables à leurs yeux. Une telle perversité ne peut pas être stoppée d'un claquement de doigt. Cette infamie est liée au fric qui n'est manifestement pas un vecteur de civilisation. Notre monde est dans un si mauvais état que ceci ne pourra se régler que grâce à des gens qui savent raconter les histoire et soulever des questions. Un long (très long) travail d'éducation nous attend vers une autre culture où la douceur remplace la violence et où vivre ensemble est le seul souci. »

« Tout le monde est parfaitement d'accord que la dignité des femmes est bafouée dans ces rues à vitrines, que ce soit à Hambourg, Amsterdam ou ailleurs. Il semble que ce soit un combat assez général et déjà en cours
Un autre problème est que la rue soit interdite aux femmes! Et j'observe un excès de réactivité (…) C'est uniquement un problème "commercial" et de concurrence déloyale entre les personnes qui exercent cette activité.. :
Les personnes qui ont loué ou acheté une vitrine dans cette rue ont fait un investissement lourd.
Les femmes qui visiteraient la rue peuvent être "des Hommes comme les autres" qui ont envie de visiter, de la manière que je vous laisse interpreter (henri dit "voyeurisme", ça peut être sa propre information ou ce qu'on veut ...) mais elles peuvent être aussi des prostituées qui ne disent pas leur nom et font du racolage discret des "prospects" masculins qui sont sur place, à des tarifs bien inférieurs à ceux pratiqués dans la rue, et après s'être mis d’accord, aller exécuter le contrat ailleurs.
Il s'agit donc pour les hôtesses de protéger leur gagne-pain en accord avec les autorités qui veulent éviter les pugilats engendrés par d'éventuels "conflits commerciaux" ..
C'est aussi bête que ça et pas pour éliminer les femmes visiteuses potentielles par je ne sais quel complot... »

« Je ne suis qu'en partie d'accord avec toi. Au-delà de l'investissement, qui il est vrai, doit être important pour les prostituées, l'organisation de la prostituton, telle que proposée par les institutions, n'est pas neutre. Interdire une rue entière aux femmes ne semble pas avoir posé plus de problemes que cela...
Et je suis d'accord avec le texte précédent, la volonté inconsciente est bien de créer, pour les hommes, une séparation entre la 'maman' et la 'putain'. L'économie et l'échange monétaire ne sont pas, je crois, l'explication de ce phénomène. Au-delà de ce qui te parait être logique (les prostituées cherchant à se protéger de toute concurrence), le mécanisme de la domination masculine joue à plein. Il n'est pas innocent de soustraire les femmes (non prostituées) du spectacle, cela non pas pour qu'elles ne voient pas les prostituées, mais plutôt pour que les hommes restent entre eux, dans le secret de leur apprentissage ou de leur routine sexuel.
Pour éviter la concurrence, mille possibilités ! La solution, ici, est bien celle qui convient le mieux à la libido dominandi bourdieusienne. Comme par hasard... »

« Personne n'a relevé ce "léger" détail... Pourquoi seule la prostitution hétérosexuelle féminine serait-elle autorisée et organisée ? Quid de l'homosexuelle ? de la masculine ? Pourquoi ne pas se révolter aussi contre cette caricature d'un autre siècle, réac, bien pensante et politiquement correcte ?
Et pour conclure sur l'opportunité du questionnement d'origine, on peut très bien réfléchir, s'interroger et se révolter contre plusieurs choses à la fois, non ? »

« Cela est d'autant plus vrai que la prostitution masculine destinée aux hommes -se disant gay ou ne se reconnaissant pas homo- ne cesse d'augmenter. Et pour ce qui est du questionnement d'origine, je pense que l'on DOIT élaborer des contre-discours (ou des contre-faits) en tenant compte de l'univers symbolique ou matériel du plus grand nombre de formes de domination. »

communiqué par Céline Benne


***************


Ce que vous racontez est révoltant. Enfin, le mot "révoltant" ne correspond pas précisément à mon sentiment, qui est surtout douleur et tristesse. Et humiliation.
Vient ensuite l'incrédulité. J'ai le réflexe de ne pas vous croire, de me dire que vous exagérez, que votre récit aggrave une réalité plus soutenable (et quand bien même! quelle que soit la façon dont elle existe ou dont on la raconte, cette réalité, la prostitution, est insoutenable!) Et oui, je cède malgré moi à ce réflexe conditionné. Celui qui fait qu'on ne peut pas entendre ce qu'une victime de viol tente de nous dire, qu'on taxe les féministes d'extrémistes, qu'une victime minimise les faits...
Je pense, comme vous, à la ségrégation des juifs sous le nazisme, plus précisément à ces images hallucinantes d'êtres humains nus, parqués comme du bétail, à leur arrivée dans les camps d'extermination. Ce parcage de prostituées est comme une réponse, une redite, des années après, un miroir qu'inconsciemment sans doute, l'Allemagne se tend à elle-même. D'ici à prêter aux hommes qui s'y rendent des fantasmes plus ou moins avoués de se taper de la parodie de juive en voie d'extermination, de se mettre dans la peau d'un SS qui a tous les droits, ou tout simplement de gicler à la face de cette page insupportable de notre histoire, et de dépasser enfin l'impuissance écrasante que l'on peut ressentir à l'évocation de ce passé... Pourquoi pas...
Je voudrais vous épargner les inévitables indignations : "Comment ça? à notre époque ! en Allemagne, un pays européen, si proche!" etc... mais j'avoue, mon esprit se brouille et les bras me tombent. En fait, j'ai mal. Oui, je crois que c'est cela: j'ai mal. Je ne sais pas très bien où, mais j'ai mal. Et peur.
Je ne m'étonne pas que ce soit une femme qui vous ait chassées. J'imagine assez facilement que pour celles qui sont mises en vitrine, les Putains, il soit intolérable d'avoir à supporter le regard des autres femmes, les Mamans: n'est-il pas déjà assez humiliant d'avoir à se faire mettre par leurs hommes? Elles ne sont pas en position de comprendre ce que vous venez faire dans l'enclos où elles sont recluses, et votre liberté, à vous qui ne faites qu'y passer, doit leur être un comble d'humiliation.
Quand au liquide qu'elle vous a lancé... étant donnée la violence inhérente de l'endroit que vous décrivez, j'ai songé spontanément à du vitriol. Puis, plus rationnellement, à une quelconque boisson alcoolisée: une femme en train de boire un verre, se levant soudain en vous voyant et, de colère, vous jetant le contenu de son verre. À bien y repenser, puisque la situation est extrême et passe les bornes de mon imagination, je veux bien admettre que le liquide dépasse le rationnel (la publicité à l'entrée ne précise-t-elle pas, justement, que "les frontières sont faites pour être transgressées") : pourquoi pas du sperme? au comble de la domination masculine, au comble de la toute-puissance phallique... les femmes se mettent à projeter elles aussi du sperme, ben voyons!
Ou pourquoi pas du sang? au prix où est l'humain en ces lieux, son sang ne doit pas être tenu en si grand respect qu'on épargne de le faire couler... je nage en plein délire.
Non, ce n'est pas un quiz que vous proposez. Vous me forcez à nager en plein délire, parce que ledit délire n'en est pas un: cet endroit délirant que vous décrivez est bien réel, et il faut bien, hélas, que je me mette ça dans le crâne.
Maintenant, il me reste à transformer tristesse, douleur &co... en colère, cette dernière étant moteur d'action. Oui, je veux être une femme en colère.
Je vous remercie d'avoir franchi la porte qui nous est interdite, à nous femmes, et de nous en avoir rapporté ce témoignage.
Romy Duhem-Verdière

Comment interprétez-vous l'action de cette femme ?
Peut-être que les femmes prostituées elles-même préfèrent que les femmes non-prostituées ne viennent pas les regarder et les juger...
Ce panneau interdisant l'entrée aux femmes a-t-il été mis en place uniquement par des hommes et pour des hommes ? N'est-ce pas aussi une volonté des femmes prostituées ? L'auteure du texte ne semble même pas s'être posé la question.
Peut-être que la réaction de cette femme prostituée est simplement un réaction d'hostilité vis-a-vis des femmes non-prostituées qui les jugent, qui les narguent, qui les regardent d'une façon condescendante, qui les considèrent comme des pauvres femmes "qui ne savent pas ce qu'elles font, mon dieu ayez pitié d'elles", bref, qui ne les respectent pas.

Comment auriez-vous réagi, si vous aviez été à notre place ?
Ne pas regarder les personnes qui se prostituent comme des "sous-femmes", mais prendre la peine d'aller à leur rencontre (dans d'autres lieux que dans cette rue-là!), de leur parler, de les écouter sans les juger. Une prostituée est d'abord et avant tout une femme ! Si certains hommes considèrent les femmes prostituées comme de la marchandise, les féministes ne doivent pas faire de même. Si la société patriarcale divise les femmes entre mère (qu'on respecte) et putain (qu'on ne respecte pas), le féminisme ne doit pas reproduire ce même schéma en respectant les mères et pas les putains. Etrangement, le mouvement des femmes prostituées qui réclament statut et respect, qui réclament l'abolition de cette distinction mère-putain, ne recueille quasiment aucun soutien des féministes qui préfèrent les considérer comme des victimes dont la parole n'est de toutes façons pas à prendre en considération.
Marie-Hélène Lahaye

Quand vous avez lu ces mots : "elle lance dans notre direction un liquide"
J'ai pensé à de l'urine

Comment interprétez vous l'action de cette femme ?

Un animal qui chasse un intrus de son territoire

Comment auriez-vous réagi, si vous aviez été à notre place ?

Comme elles, c'était la sagesse même
(Mon mari a eu les mêmes réactions que moi)

Nous pensons que ce fléau de la PROSTITUTION regroupe tous les problèmes de notre société : misère, exclusion, éducation, moyens économiques et politiques à adapter à notre temps .....
Que de travail à faire ......
Lyliane Bois

Moi, j'avoue avoir tout de suite pensé à du sperme.
Symboliquement, ça sonne comme "Ici, c'est sale, ne venez pas vous salir ici, ce n'est pas votre place !" Tout ce que contient cet acte me semble terrible et très violent.Ca fait effectivement très ghetto ou l'on se dégorge uniquement le poireau..! Et encore, ma tournure est trop comique par rapport à la gravité de tout ça...
Pour ce qui est de la réaction que j'aurais eu, je pense que j'aurais fait comme vous : comment peut-on réagir autrement dans une pareille situation ? Il n'y a pas franchement d'invitation au débat !!
Marine Couderc

Choquée et révoltée, je partage l'analyse de la division en "maman" et "putain" (manque encore la vierge) ; et la remarque concernant le fait que seuls des hommes ont le droit de "se payer" une prostituée est très juste également. Les gens qui vivent de ce "business" veulent avoir la paix, ainsi que les "consommateurs". Mais comment est-ce possible qu'une rue, donc un espace public, soit fermée à une partie de la population ? Qui a mis en place la barricade ? La ville, pour protéger la jeunesse ? Un syndicat des prostitué/es ? Cela doit être illégal, non ?
Quel liquide ? Spontanément, je pense aux acides avec lesquels on défigure des visages de femmes. Mais est-ce imaginable qu'une prostituée, ou tenancière de bordel, en ait un flacon tout prêt sous la main, pour chasser d'éventuelles intruses ?
Motivation de cette femme ? Chasser, défigurer la "concurrence", faire peur pour qu'elles ne reviennent plus, avoir la "paix" pour "travailler".
Comment aurais-je réagi ? Difficile d'imaginer. Je pense que j'aurais eu peur, que j'aurais pris la fuite. Si l'attitude de la femme avait été moins aggressive, j'aurais peut-être essayé de lui parler (revendiquer le droit d'être là...?).
Agnes Ploteny

1) j'ai pensé immédiatement à de l'acide, parce que le début du récit nous plonge tout de suite dans une ambiance très agressive, très corrosive ; ensuite j'ai opté pour de la bière, parce que je me suis dit que cette pauvre nana n'avait que ça sous la main, qu'elle n'a pas réfléchi, qu'elle a eu un geste de peur ; seule, sans arme, réduite (par la fonction qu'on lui fait remplir) à une sorte d'animalité, elle utilise une arme "animale" : projeter un liquide sur son ennemi pour le déstabiliser et le faire fuir. Un geste d'impuissance au fond.

2) je vois dans la réaction de cette femme le dernier degré de la servitude, celle où le vaincu adhère au système de valeurs de son maître. Ceux qui se servent d'elles ne veulent pas de la présence des femmes dans cette rue (pour protéger le spectacle, dégradant pour eux, de leur dépravation ; pour empêcher les femmes du dedans et du dehors de s'organiser et de s'entraider). Ils ont convaincu leurs "captives" du bien-fondé de cette position. La femme en vitrine ne peut pas être neutre vis-à-vis de la présence d'autres femmes dans la rue ; ne voyant comment les appeler à l'aide ou établir un contact amical, elle ne peut que les chasser.
En outre, elle veut peut-être protéger sa propre image et son secret. elle n'a peut-être pas envie d'être reconnue par ses voisines ou sa boulangère...

3) comment réagir ? il faudrait parler à cette femme mais c'est peu réaliste. Tagger le mur qui bouche la rue, peut-être, mettre des affiches, attirer l'attention, revenir avec plein de femmes....
Agnès Fontana

Jeter un liquide pour punir une femme ? La première idée qui m'est venue, c'est le jet de vitriol sur les femmes de certains pays. Seriez-vous considérées comme commettant un crime d'(e pseudo)honneur, un crime de déshonneur par d'autres femmes ?
Anne Cassiot

Je réponds à vos questions concernant l'article sur les lieux interdits aux femmes ; enfin pas toutes puisque les prostituées ont leur accès libre...
Ce qui me choque dans cette histoire, c'est qu'elle révèle dans toute son hypocrisie les tenants de l'ordre moral, et leur "solution" au problème de la prostitution, Tartufferie : cachez cela que je ne saurais voir.
Ce n'est pas en se mettant les mains sur les yeux que l'on supprime les problèmes, quant à l'argument qui consiste à dire que grâce aux prostituées les "honnêtes femmes" sont dispensées d'accéder aux demandes sexuelles "dégoûtantes de leurs époux", cela me fait bien rire, en effet il vaut mieux idéaliser ces derniers et les admirer plutôt que de les voir comme des animaux prompts à satisfaire leurs bas instincts (au propre comme au figuré).
Ah ! ce fameux liquide ! Peut-être de l'acide si prisé dans certaines contrées de ce monde nauséabond et patriarcal, une autre idée : un verre d'alcool que cette prostituée allait s'envoyer pour se donner du coeur au ventre, ou bien encore plus sordide avait-elle patiemment récolté quelques liquides corporels spécifiques dans ce genre d'activité, mais pourquoi diantre en faire réserve afin d'en asperger les passantes ne sachant pas interpréter les pancartes, on peut imaginer un sponsoring par quelque banque du sperme désireuse de stocker des millions d'êtres humains (car paraît-il dans un proche avenir cela deviendra des personnes à part entière, enfin pourra-on mettre tous les messieurs se masturbant en prison pour génocide et crime contre l'humanité).
Ces femmes-là font de l'argent de cette manière (les personnes qui relatent cet évènement n'ont pas remarqué si les bars aux alentours n'étaient pas remplis de maquereaux vérifiant que le commerce s'effectue sans relâche, mais en général ils ne sont pas loin pour relever la caisse), il est donc fort problable que ce genre de réaction puisse être dictée par une rentabilité forcée, ou en réaction par rapport aux femmes ne pratiquant pas la prostitution.
Difficile de vous dire ma propre réaction, sans doute serais-je partie, il est difficile de convertir dans l'urgence quelqu'un sans pour autant être capable de lui fournir une autre solution de vie, si tant est qu'elle le souhaite, c'est là tâche de longue haleine et qui mêle de nombreux paramètres différents que bien souvent personne ne peut se targuer de maîtriser entièrement.
Je trouve notre monde atrocement laid, immoral, inhumain de laisser perdurer ce genre d'activité qui en définitive réduit un être humain à peu de chose. Chaque fois que l'on réduit à rien un être humain c'est toute l'humanité qui est touchée.
Cela me choque énormément, et parfois je ne suis pas fière d'appartenir au genre humain.
Sophie MARTIN

Vous posez la question « à quel liquide pensez-vous ? » à propos de ce que lance la prostituée sur le manteau de la fille de la narratrice (ce n’est visiblement pas le manteau qu’elle devait viser…).
Cela m’a immédiatement fait penser au vitriol que lancent les intégristes islamistes au visage des femmes qui selon eux ont déshonoré la famille ou la communauté. C’est évidemment un châtiment, mais dans le cas de la prostituée, cela peut être aussi un moyen de préserver son fonds de commerce : les putes se doivent d’être sexy et attirantes, tandis que les « bonnes femmes » sont juste bonnes à faire la bouffe, le ménage et à élever les enfants, et donc leur prétention à attirer le désir de l’homme (par le physique) serait une concurrence insupportable pour celles dont l’activité est de vendre leur apparence et les désirs qui vont avec.
Bon, c’est peut-être un peu caricatural, mais cette histoire de la rue de Hambourg me fait penser à ça. Pour le vitriol, je suis sûre que d’autres personnes ont réagi comme moi (pour une femme, c’est le summum de l’ignominie – pour un homme aussi mais ils ont du mal à l’avouer).
Cette histoire est l’illustration parfaite de la ségrégation pute / mère qui régit encore nos sociétés et qui transparaît dans tous les médias.
Audrey Agranier

Permettez-moi de réagir à la phrase suivante qui se trouve dans le message que vous avez fait circuler: "La réalité est plus simple : c'était de l'eau, mais ces réponses expriment bien la violence qui passe dans ce texte."
Excusez-moi, mais les réponses reçues sont sans doute plus révlélatrices des présupposés des répondantes, ou de la manière dont on a influencé la lecture du texte par le commentaire qui l'accompagnait, que de "la violence qui passe dans le texte". Il ne faut pas charrier. Depuis les années 60, d'innombrables expériences psychologiques ont démontré que c'est la plupart du temps à partir des préjugés/stéréotypes sociaux les plus prévalants dans la société que les personnes remplissent spontanément les vides d'information laissés par une situation observée ou racontée. Dans ce cas-ci, je pose l'hypothèse que les préjugés qu'on entretient à l'égard des prostituées en général ont contribué à influencer l'interprétation de la scène et à la dramatiser d'une manière indue.
Je ne nie pas que la situation racontée dans le texte original, que j'ai lu lorsqu'il a été envoyé sur cette liste, soit révélatrice d'un état de fait déplorable qu'il faut travailler à changer. Mais je trouve que le traitement que vous en avez fait sur la liste, notamment en posant une question qui a "stimulé l'imagination", comme vous dites, ne contribue en rien à faire avancer l'analyse féministe de la situation décrite. Au contraire, il contribue à renforcer l'attitude qui consiste à faire de fausses analyses des situations à partir d'informations partielles et de préjugés, tout le contraire de ce que le féminisme cherche à promouvoir comme analyse sociale systémique et approfondie. Votre attitude est inacceptable. C'est le genre de traitement de l'information dont on s'attend des "journaux jaunes", pas d'une animatrice de liste de discussion féministe! De grâce, faites preuve d'un peu plus de rigueur intellectuelle!!!
Elsa Beaulieu, Montréal, 22 octobre 2003

Il y a quelques années, quand je commençais ma vie professionnelle, j'ai fait le tour des quartiers chauds de Bruxelles avec des collègues, jeunes comme moi et une fille a esayé de refuser l'entrée d'un "boxon" (pas tout à fait "magasin à putes mais presque) au groupe si j'en faisais partie. Les copains ont alors répondu qu'ils n'entraient pas sans moi et j'ai pu les accompagner sans problème. J'ai eu l'impression que les filles ne voulaient tout simplement pas de la concurrence.
Monique Discalcius, 23 octobre 2003