Encore feministes !

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Pour sortir du silence…, par Wassyla Tamzali, déc. 2002

 

Pour sortir du silence…à l’occasion de l’anniversaire de l’adoption par les Nations Unies de la Convention sur la traite des êtres humains et l’exploitation de la prostitution d’autrui le 2 décembre 1949*, de l'anniversaire le 10 décembre de la Déclaration universelle des droits de l'homme*, et de la première manifestation européenne (française) de féministes contre la prostitution le 10 décembre 2002 à Paris.

*56 pays ont ratifié la Convention dont l’Algérie en 1963
*tous les pays membres des Nations Unies y adhèrent de facto

Wassyla Tamzali, Ex-directrice des droits des femmes à l'UNESCO


Il est des sujets que l’on entoure de silences comme certains secrets de famille et qui lient les uns et les autres d’une génération à l’autre. La modernité qui nous incombe se trouve sans doute dans la levée de ces secrets et la libération progressive et lente de la parole. Les secrets les mieux gardés concernent la sexualité ou plus exactement l’ordre sexuel qui nous régît. Silence si profond que certaines scènes exceptionnelles mais réelles– père rejetant sa fille enlevée, violée et enceinte, jeunes femmes lâchées nues dans les forêts après avoir été abusées collectivement –sont indicibles. Comme le sont celles « incompréhensibles » de ces femmes battues, violées dans l’enclos sécurisé d’une base pétrolière. Sans doute devons-nous nous interroger au cœur de notre « normalité » sur ces scènes qui tétanisent notre raison et qui nous plongent dans un silence dont nous ne revenons pas. Il nous faut croire l’impossible, plus, il nous faut reconnaître le lien entre nos us et coutumes étayées par l’habitude, le consensus mou, et ces scènes que nous rejetons comme totalement étrangères à nous. Longtemps un épais silence entoura la prostitution, et si aujourd'hui on en parle dans les journaux et à la télévision c'est par le voyeurisme ou la compassion que l'on sollicite le lecteur ou le téléspectateur. Ses causes sont niées, sans parler des manipulations à la réussite desquelles concourent les médias- consciemment ou non le résultat est le même -, et l'opinion publique assoupie et laxiste sur tout ce qui concerne les femmes, et à plus forte raison quand elles sont étrangères comme c'est le cas pour 60 à 80% des prostituées en Europe. La prostitution fut longtemps repoussée aux marges des sociétés comme une anomalie qui ne concernait pas la "société des honnêtes gens", aujourd'hui comme un phénomène de "pays pauvre". Elle serait aussi le résultat d'une déviance, plus même d'une orientation morphologique. La littérature du XIX° est édifiante sur ce point. La science anthropométrique, -celle là même qui décréta que le cubage d'air nécessaire en chambrée pour un appelé "indigène" était moins important que celui des français-, étudia le cerveau des prostituées et accoucha de belles monstruosités. Jusqu'à Fidel Castro dans un discours en juillet 1992 "…nos prostituées ne font pas ça par obligation, par nécessité matérielle…ici la prostitution n'apparaît …parce que quelque part elles aiment ça…" Aujourd'hui elle est présentée comme une alternative aux difficultés économiques des femmes, -une "ouverture" pour les femmes émigrées ! – ou encore comme un choix individuel de vie,. Cette dernière approche réconforte la bonne conscience de chacun, "puisque c'est le choix de ces femmes !" et nie les circonstances qui conduisent à la prostitution à savoir le statut d'infériorité des femmes dans nos sociétés, droits fondamentaux et droits économiques confondus. La pensée féministe a permis de mettre en lumière les mécanismes de la prostitution des femmes et le continuum des discriminations sexistes, qui va du supportable et de sa banalisation par les us et coutumes, à l'insupportable. Exit l'idée reçue de la fatalité du plus vieux métier du monde ! Exit l'idée du libre choix ! Exit l'image de la prostituée perverse et complice du Mal qui dominait la pensée morale et religieuse occidentale chrétienne, et qui continue de le faire notamment dans plusieurs pays islamiques, comme en Iran où les exécutions de femmes coupables de prostitution représentent la limite extrême du système qui les enferme, en Turquie où l'assassinat d'une femme prostituée est moins punissable par la loi que le crime d'une "honnête" femme et... Aujourd'hui enfin un courant de pensée reconnaît que la prostitution est la discrimination extrême qui les contient toutes et à plus d’un titre est emblématique de la condition des femmes, de toutes les femmes. Les féministes italiennes ne se trompaient pas qu'elles manifestaient sous le slogan "ni mère, ni putain".. C’est ce qu’avait déjà dit il y a prés de trente ans à la première Conférence Mondiale de la Femme à Mexico en 1975, le directeur général de l’UNESCO, le Sénégalais Amadou-Mahtar M’Bow. D’une voix singulière et prémonitoire. Alors que les uns avaient fait de l’égalité leur cheval de bataille –les occidentaux- et les autres le développement – les tiers-mondistes-, il réunissait ainsi les deux bouts de la condition des femmes, l'égalité et l'autonomie économique et lançait un appel à la communauté internationale pour lutter « contre la prostitution des femmes, la forme la plus extrême des discriminations à l’encontre des femmes ».
Dans ce sillage l’UNESCO pris l’initiative d’un débat, dont je fus l’artisane, au sein de la Communauté internationale. Le débat n’en finit pas de s’amplifier sous l’effet de la massification actuelle de la prostitution, de sa présence spectaculaire dans les grandes et moyennes villes, et de l’impunité des trafiquants qui acculent à l’impuissance les responsables de ces villes. Il faut ajouter à ces facteurs la montée en puissance d’une revendication provocante, le droit de se prostituer, droit porté bruyamment et devant les caméras par des hommes et des femmes qui sont prostitués ou proches des prostitués et qui vient renforcer la vielle idée libéro-féministe du choix des femmes de leur destin sexuel. Réponse de la bergère au berger, des prostituées à la société qui accepte la prostitution et rejette les prostituées…

…une question d'éthique politique mondiale…
Laissons provisoirement de côté cette question de choix ou de non-choix qui bien évidemment n'est pas sans conséquence sur l'ensemble du problème comme voudraient nous le faire croire ceux qui séparent l'exercice "heureux", contrôlé et syndicalisable d'un droit de se prostituer dont jouirait consciemment et librement les êtres humains adultes, de la traite forcée. Dans ces temps on l'on parle de globalisation et de mondialisation, disons nous aussi que le problème de la prostitution est d'abord le problème de milliers de personnes démunies, que ces personnes sont mises en danger de vie et privées des droits fondamentaux et que cette situation nous conduit à un état de barbarie celui-là même que dénonçait la Déclaration Universelle des droits de l'homme et de laquelle elle tire sa légitimité et ses exigences : "…la méconnaissance et le mépris des droits de l'homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience humaine..". Les horreurs du génocide perpétré contre des êtres humains du fait de leur appartenance à un groupe ou à une communauté déterminée, les pratiques coloniales d'apartheid se sont-elles à ce point dissipées pour que de nouveau ceux qui prennent à la légère les concepts d'espèce humaine, de dignité redressent la tête et cherchent de ci de là où ils pourraient étendre le filet de la rentabilité. Les sexes ? Les organes ? Les ventres ? Les femmes ? Les enfants ? Les hommes ? Que reste-il à vendre ? A cause de la misère croissante du tiers monde et des pays de l'Europe de l'Est, les femmes et les enfants abandonnés par les états qui devraient les protéger, et livrés à la convoitise des hommes non seulement occidentaux mais également des pays d'où ils viennent, n'est pas un problème philosophique, il est aujourd'hui un problème d'éthique politique, au même titre que l'utilisation de la faim comme arme de guerre, le viol massif et systématique des populations civiles femmes et enfants en temps de conflits, le génocide entre ethnies ou contre une religion, les malades du Sida privés de médicaments, la disproportion honteuse entre la richesse des uns et la pauvreté des autres, la couche d'ozone. Ces questions, le "droit-de-l'hommisme", ont réussi à s'imposer aux principes anciens des relations internationales, à la "politique pure" et cela grâce à la mobilisation massive des sociétés civiles sur tous ces sujets. Sauf sur la prostitution ! Est-il moins important de se battre contre la marchandisation du corps humain que contre la mal bouffe ou pour le sort des baleines ? ... On peut replanter un arbre, mais pas une femme… (détournement du slogan d'une affiche de l'association Survival)

…une politique internationale de la main d'œuvre féminine par la prostitution…
"Il faut croire l'impossible". Au cours des dernières décennies la prostitution s'est industrialisée et est devenue une partie considérable des flux migratoires clandestins. Le tourisme du sexe et les ventes d'enfants et d'adolescentes, le commerce d'épouses sur catalogues, comme les contrats de travail fictifs, la drogue et la dépendance, le caïdat des banlieues sur les petites voisines et les sœurs, les enlèvements avec camps de dressage dans le pays d'origine sont aujourd'hui les méthodes de la prostitution des femmes. Méthodes violentes accompagnées de tortures, séquestrations, enlèvements, coups et blessures, sans parler de l'acte de prostitution lui-même qui "légitime" par l'argent ce que la loi par ailleurs sanctionne à savoir la violence sexuelle, avec pour cibles le corps des femmes les plus démunies, les plus abandonnées par leurs sociétés, corps parfois défigurés par la chirurgie jusqu'à devenir monstrueux et cela aussi dans les périmètres de la civilisation et du bien être social, à quelques pas du Prado à Madrid, du centre Pompidou à Paris, du Staatliche Museen à Berlin……
Le cynisme institutionnel est ce qui est le plus difficile à accepter. A côté des pays abolitionnistes, qui ont ratifié la Convention du 2 décembre et s'engagent à abolir toute réglementation spéciale -, prohibitionnistes, - qui interdisent la prostitution et criminalisent les prostituées, comme de nombreux pays islamiques, les USA, Cuba, la Chine -, s'affichent les pays promotionnels dans lesquels on peut classer entre autres les Pays-Bas, l'Allemagne qui en légalisant la prostitution tracent des autoroutes aux trafiquants, les pays asiatiques qui mettent le tourisme sexuel dans le cadre d'une profession contrôlée, développée, encouragée…promue par des écoles de formation, des cartes d'habilitation etc….Et ainsi jusqu'à l'établissement d'une politique internationale de gestion de la main d'œuvre féminine. Ecoutez l'Organisation Mondiale du Travail "Le travail du sexe a pris les dimensions d'une industrie qui a contribué de façon considérable, directement ou indirectement à l'emploi, au revenu national et à la croissance économique…c'est pourquoi la question politique ne peut être abordée uniquement sous l'angle du bien être individuel des prostituées, cela vaut la peine d'une reconnaissance officielle pour élargir le filet fiscal…". (rapport de 1988 sur le commerce du sexe en Asie du Sud-Est)

…le silence des pays arabes…
Il y a aussi les pays silencieux ceux de la région arabe plus particulièrement. Cette région du monde reste muette et se tient en dehors des débats qui traversent l'Europe, l'Asie, l'Afrique et l'Amérique latine. Cela ne veut pas dire que nous ne sachions rien, le spectacle des rues, les faits divers, les informations sur le nombre non négligeable de prostitués originaires de ces pays et dont la situation est aggravée par les conditions de la migration clandestine confirme si cela était nécessaire que la prostitution concerne aussi des femmes –et des hommes- des pays arabes Mais ce qui concerne ici la sexualité, l'ordre sexuel reste farouchement du domaine du privé. Ceci marque une frontière aussi significative que celle du déséquilibre économique, entre les sociétés du sud et celles du Nord à qui mai 68 à ouvert les yeux en faisant du privé le politique et mettant ainsi en marche le mouvement de libération des femmes et celui de la révolution sexuelle. "Le privé est politique" voilà ce que peu à peu les sociétés du Sud sont en train de s'approprier. Les choses progressent. De plus en plus les citoyens de ces pays sont interpellés par le spectacle des rues et des voix s’élèvent, parmi les groupes de femmes, les journalistes pour dénoncer le silence dans lequel on veut enfermer la prostitution. Les Associations féministes commencent à dénoncer cette situation et elles traitent de la prostitution souvent dans le cadre de leurs luttes contre les violences contre les femmes, à commencer par celle de la loi qui les jettent sur les trottoirs par des divorces iniques ! …

.… en Algérie aussi…

L’Algérie aussi où la prostitution est devenue telle qu’on ne peut l’esquiver. Elle « dérange » en devenant trop visible. La présence importante de jeunes adolescentes à peine sorties de l'enfance poussée par la misère que l’on trouve dans des cabarets des petites villes de la côte Est encore hier plongées dans un provincialisme de bon aloi, jeunes garçons déambulant sans équivoque sur la route moutonnière qui longe la baie d'Alger, femmes S.D.F et prostrées dans leur dénuement et l'abandon de tout espoir accroupies dans les centres- ville, toutes ces images et bien d’autres encore nous dissent que La prostitution massive s'installe. Sur cette réalité que l'on peut voir nous avons peu d’éléments, ni quantifiables, ni qualifiables autres que ceux que nous savons du phénomène en général, pas de statistiques, peu d’informations sur les règles et les méthodes qui la régissent. Nous pouvons imaginer que c’est là un domaine de non droit où les décisions de police ont le pas sur la loi, et aussi sur la loi internationale qui lie l’Algérie. Qui tient compte du fait que l’Algérie a ratifié la Convention du 2 décembre en 1963, que malgré cela de nombreuses villes algériennes sont encore régies par les vielles lois coloniales de mise en carte et de surveillance des femmes prostituées dans des maisons closes qui les réduisent à l’état de bétail ? Qui s'indigne que des maisons de prostitution aient pignon sur rue et soient ainsi une atteinte à la loi ? A Annaba ? A Djelfa ? Qui se soucie de savoir que c’est la pire des conditions pour ces femmes ? S’il est vrai qu’« on » a mis en place un groupe de travail composé de policiers et de médecins pour étudier la réouverture des maisons de prostitution à Alger mesure-t-on que c’est au mépris des engagements de l’Algérie sur le plan international ? Mais tout cela reste des on dit…qui renforcent le mur du silence – le mur de la honte ? - derrière lequel on cache la prostitution en faisant porter tout le poids de la déchéance physique et morale sur les victimes elles-mêmes.
Violences économiques, violences « politiques », pratiques "sacrées", déterminisme social, drogues, migrations internes, butins de guerres, travail domestique, l'histoire de la prostitution nous a appris que les maillons sont multiples qui conduisent à la prostitution, qu'ils sont partout identiques. Alors disons que sans savoir ce qui ce passe dans le monde arabe, nous savons. En Jordanie, au Maroc, en Tunisie, au Liban, en Algérie les causes sont les mêmes ; les chemins de la lutte aussi. Devant le silence et l'immobilisme des états des actions bénévoles s'organisent sur de petites échelles, dans les quartiers ; des refuges s'ouvrent pour recevoir les filles mères, les femmes battues, les prostituées grâce à la générosité des donneurs étrangers. Ces initiatives sont la preuve d'une prise de conscience qui est le premier pas pour alerter les pouvoirs publics. Le chemin sera long et difficile pour briser le mur du silence, de la honte qui entoure la prostitution en faisant porter tout le poids de la déchéance physique et morale sur les victimes elles-mêmes. Long et difficile car il faut aussi sortir ces pays de leur silence et leur montrer que l'approche policière et hygiénique qu'ils pratiquent est la pire pour les femmes victime de la prostitution.

L'approche policière et hygiéniste…une approche archaïque et en violation des droits fondamentaux…
L'approche policière et hygiéniste de la prostitution c’est la préhistoire des politiques sur la prostitution.. La seule préoccupation des pouvoirs a été de tous temps la santé des clients et la "propreté" des villes en cachant autant que ce peut la prostitution.. Mise en place pendant les guerres napoléoniennes le contrôle sanitaire et policier contribua à faire des prostituées une population stigmatisée et justifie que l'on assimile la prostitution à une forme d'esclavage. Le premier mouvement de lutte contre ce système part de l’Angleterre à la fin du siècle dernier, contre les lois qui imposent le contrôle médical aux femmes prostituées. Il n'est pas inutile de revenir sur cette période, car pour de nombreux pays, elle reste d'actualité et partout elle menace toujours d'être reprise. On se souvient encore des déclarations d'un ministre français de la santé, Michèle Barzach, le 7 juin 1990 désignant le Bois de Boulogne comme le boulevard du SIDA, accusant les travestis d'infester les hommes et de lancer "une chaîne de contamination hétérosexuelle". Elle disait "Je pense qu'il faut re-instituer des règles contraignantes …et rouvrir les maisons closes.."

La campagne lancée par Josephine Butler se situa dans le sillage du mouvement pour l’abolition de l’esclavage dont elle reprendra le vocabulaire. Les « Abolitionnistes », car ils veulent abolir toutes les règles et lois qui font des prostitués des non « personnes ».Ils organisèrent leurs luttes contre la traite des blanches et furent soutenus par le mouvement pour les droits civils – nos droits de l'homme d'aujourd'hui- qui se lève à la fin du XIXe siècle dans l'Europe pré-moderne et s'enracine dans la bourgeoisie réformiste protestante. Ce compagnonnage intellectuel ne va pas accompagner les Abolitionnistes très longtemps. Ce mouvement remportera une victoire décisive avec la Convention des Nations Unies du 2 décembre1949, mais se coupera des grands courants de pensée de la 2e moitié du XX°, notamment le mouvement de libération sexuelle et le mouvement des femmes, qui se retourneront contre lui. Il cèdera beaucoup de son terrain à des initiatives d'obédience religieuse qui se lancent dans la bataille avec des moyens et l'abnégation qu'on leur connaît. Dans le Paris glacial de l'année 50 où l'abbé Pierre crée Emmaüs, le père Talvas va sur les trottoirs donner une boisson chaude aux prostituées et fait de l'amour de son prochain le cheval de bataille de son action. Ainsi est né le Nid, et l'idée que la lutte contre la prostitution était un devoir chrétien. Malgré lui le mouvement abolitionniste sera stigmatisé comme moraliste et religieux. Mais sa faiblesse principale viendra de son ignorance du féminisme et de son refus de l'idée du patriarcat qui porte mouvement des femmes. Ce n'est qu'à la fin des années 80 qu'il renoua avec sa tradition et adopta la définition de la prostitution comme une violation des droits de l'homme/ des femmes et la conséquence du statut d'infériorisation des femmes. Le chemin des féministes sera plus long.

pénaliser le client…
Les féministes se sont longtemps fourvoyées, jusqu'à défendre la prostitution comme une revanche des femmes sur l'ordre patriarcal. Certaines allant jusqu'à dire que le mariage est une forme de prostitution, ce qui était aussi irresponsable que de comparer la prostitution à une forme quelconque d'exploitation de la force de travail !Aujourd'hui le mouvement des femmes en France a pris sa place légitime dans la lutte des femmes pour être libres de toute exploitation sexuelle et de la pire de toutes, de la prostitution. Le mouvement lancé par la manifestation du 10 décembre démarre fort ! Il refuse toute légalisation, et toute criminalisation des prostituées, plus encore il opte dès le départ de sa mobilisation pour le principe de la pénalisation du client. Pénaliser le client n'est pas une idée nouvelle, elle resta longtemps dans le domaine du discours, et des revendications radicales et inapplicables. Mais maintenant ceci est du domaine du possible, un pays l'a adopté, la Suède, avec une loi au beau nom de "loi de la Paix des femmes", et elle fait du chemin. Les débats télévisés de ce mois d'octobre ont montré l'adjointe au Maire de Paris, Chargée de la Parité, Anne Hidalgo dévoiler calmement mais avec force sa position, et prenant ainsi le risque d'apparaître du camps de l'Ordre moral, - menace qui fait trembler tout un chacun ! - elle a dit avec raison que c'est peut être là un moyen efficace de lutter contre la prostitution. Bravo, madame la Maire ! Cette position on l'aura compris soulève et soulèvera un tolet de protestations de tous bords, de ceux qui défendent les libertés, sexuelles ou autres, de ceux-là aussi qui pensent que la prostitution est une violation des droits de l'homme, et qui ne vont pas au bout de leur analyse. Considèrent-ils que le client est une victime, ou qu'il est irresponsable ?

La pénalisation du client est aujourd'hui la proposition la plus pragmatique, même si elle dérange comme la parité en son temps, et la plus significative. Elle accule chacun à dévoiler le fond de sa pensée. Etre pour la pénalisation du client c'est dire clairement que quand on parle de prostitution on parle d'abord de la sexualité masculine ou plus exactement de l'ordre sexuel masculin/patriarcal (un mot qui écorche les oreilles, mais si on l'ignore on ne sait plus de quoi on parle !) Et que le reste en découle. Le point de départ n'est pas la pauvreté, mais bien la mise en service de la pauvreté par cet ordre. La nuance est de taille, et elle fait sauter en éclat les théories libertaires de la liberté sexuelle –pour qui ? -, et de la liberté tout court. Cet aspect du débat fut toujours esquivé. Le client est le grand absent, il est ignoré, par les textes internationaux, -la législation hollandaise rembourse le client handicapé des passes qu'il consomme- par la police dans le délit de racolage. Le récent et très médiatisé procès à Bordeaux d'un client n'est là que pour souligner le caractère exceptionnel de la chose qui parce qu'elle est à contre courant des habitudes mentales jeta la ville dans un grand émoi, et souleva dans l'opinion publique la stupeur et l'agacement.

…pas de limites aux droits de l'homme…
L'Algérie, et les pays arabes sont loin de cette conception de la prostitution, et l'on comprend aisément pourquoi quand on connaît le statut des femme en général. Nous pouvons néanmoins ici et maintenant penser que des étapes sont possibles. Tout d'abord inclure le sujet dans le débat et les luttes pour les droits des femmes en général, il n'y a pas de limites qui seraient dessinées par des "catégories" de femmes. Inclure cette question dans les débats généraux sur les droits de l'homme, il n'y a pas de limite aux droits de l'homme qui seraient imposées par une "catégorisation" des droits de la personne humaine qui mettrait en péril l'indivisibilité des droits fondamentaux. Et puis lutter pour l'application de la Convention du 2 décembre 1950 des Nations Unies que l'Algérie a ratifié en 1963. Enfin, et c'est le plus urgent obtenir des pouvoirs publics un programme de réinsertion des victimes, qui aussi modeste il serait , serait un geste fort et symboliquement structurant d'une nouvelle manière de penser le problème de la prostitution dans notre pays.

Le chemin n'est pas facile, ici comme ailleurs, la manifestation du 10 décembre à Paris, même si elle avait à sa tête, la maire de Paris pour la Parité, Anne Hidalgo, n'a pas beaucoup mobilisé beaucoup de monde. Il faut dire que les prostituées à Paris sont rarement des Françaises.