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Le statut de "la" femme en islam : réalité discutable, perspectives fermées
Je vous invite à écrire au président de l'Université Paris I, en vous inspirant du texte suivant ; il est adapté d'une lettre collective que je lui ai envoyée, signée par six personnes ayant assisté à cette conférence.
Florence Montreynaud
à M. Pierre-Yves Hénin, président de l'Université Paris I, 12 place du Panthéon 75005 Paris
Monsieur,
Le mercredi 1er mars 2006, une conférence a été donnée dans l'amphithéâtre III par M. Hashim Mahdi, professeur aux universités de Jeddah et de la Mecque, invité par l'université de Paris I que vous présidez.
Son titre : « Le statut de la femme en islam : réalité et perspectives ». L'emploi au singulier de femme et de réalité avait déjà de quoi inquiéter.
La conférence lue par M. Mahdi, et dont le texte a été distribué, contient les passages suivants
« La condition féminine subit les courants de pensée actuels - qui nous paraissent contraires à la raison et à la nature humaine - qui veulent rendre absolue l'égalité entre les deux sexes. »
« Le Créateur a fait en sorte que la femme soit un être sentimental et sensuel : c'est ainsi qu'elle concrétise le sens de la forme. »
Et M. Mahdi de conclure, à propos des « réformes touchant le statut personnel de la femme » : « Ces changements sont formels et n'affectent pas les principes fondamentaux de la Loi islamique, qui est d'essence divine et qui ne permet pas d'envisager une mutation des normes constituant la condition de la femme musulmane. Néanmoins, il n'est pas exclu que, dans le respect de la Shari'a, si Dieu le veut, des assouplissements puissent favoriser dans l'avenir l'accession de la femme musulmane à de nouvelles responsabilités à caractère social. »
Les perspectives annoncées dans le titre sont donc fermées dans la conférence, au nom d'une « loi divine ». Quant à la « réalité », sans aucun doute plurielle, le seul écho donné l'est à travers des textes religieux.
Je m'étonne que votre université ait organisé une conférence publique en invitant une personne dont le discours dogmatique, dépourvu des bases élémentaires de la démarche scientifique, a été présenté sans contradicteur.
Elle cautionne ainsi des propos contraires aux valeurs éthiques et scientifiques qu'il est de son devoir de préserver et de transmettre.
Avec le réseau "Encore féministes !" (2 458 membres dans 40 pays), je vous demande d'organiser une conférence traitant d'une manière objective, informative et contradictoire le sujet « Les femmes et l'islam : réalités et perspectives ».
Lettres de membres de notre réseau
de Sylvère Labis
Monsieur le Président,
Un professeur aux universités de Jeddah et de la Mecque, M. Hashim Mahdi, a donné une conférence intitulée « Le statut de la femme en islam » à l'invitation de votre université, Paris I, le premier Mars. Les personnes qui ont choisi d'inviter un personnage qui présente cette religion d'une manière aussi choquante, caricaturale, plus féodale que musulmane, inviteraient-elles un professeur d'Université US présentant le « Créationisme » tel qu'il est imposé dans certaines écoles US ? Mais peut-être que « la femme » constitue un sujet qu'on peut traiter n'importe comment, même à l'université. Peut-être, comme en publicité, s'agit-il de provoquer « les féministes » pour qu'on en parle dans les média. Je pense que le conférencier pourrait tout aussi bien présenter sans problème le même Créationnisme qui fait évidemment partie de ses convictions.
Quelques perles relevées sur le texte distribué dans le public : "La condition féminine subit les courants de pensée actuels - qui nous paraissent contraires à la raison et à la nature humaine - qui veulent rendre absolue l'égalité entre les deux sexes." "Le Créateur a fait en sorte que la femme soit un être sentimental et sensuel : c'est ainsi qu'elle concrétise le sens de la forme." "Ces changements sont formels et n'affectent pas les principes fondamentaux de la Loi islamique, qui est d'essence divine et qui ne permet pas d'envisager une mutation des normes constituant la condition de la femme musulmane. Néanmoins, il n'est pas exclu que, dans le respect de la Shari'a, si Dieu le veut, des assouplissements puissent favoriser dans l'avenir l'accession de la femme musulmane à de nouvelles responsabilités à caractère social."
Une Université a pour mission d'enseigner des éléments et une méthode philosophiques et scientifiques. Je ne comprends pas dans quel but, même documentaire, vous avez laissé s'exprimer sans débat une propagande indécente pour un régime monarchique et féodal, délibérément antidémocratique, anti scientifique et misogyne. Au cas où vous envisageriez une autre animation de ce type, sans débat ni contradiction et surtout sur ce thème, sachez que le public exigera des réponses sur un certain nombre de points concernant ce pays, notamment l'excision, la lapidation, l'esclavage, les mariages forcés et la condition des non nationaux.
Le réseau « Encore Féministes » souhaite vous voir contrôler davantage les activités de votre Université conformément à votre mission.
de Françoise Hatchuel, maîtresse de conférences à Paris 10
Je suis, comme vous, enseignante universitaire, fonctionnaire d'une République laïque qui me paye pour enseigner la rigueur scientifique à travers le débat et la pluralité. En tant que telle, je m'étonne donc que vous ayez laissé organiser une conférence publique en invitant une personne dont le discours dogmatique, dépourvu des bases élémentaires de la démarche scientifique, a été présenté sans contradicteur. Ce faisant, vous cautionnez des propos contraires aux valeurs éthiques et scientifiques dont vous devriez être le garant. Ces propos étant en outre parfaitement sexistes, ils me heurtent en tant que femme et en tant que militante féministe.
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