Encore feministes !

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Action n° 39 - 23 août 2007 - Bertrand Cantat sort de prison.
Qu'attend-on ? Le prochain meurtre ?

 

Par erreur, certains journaux ont attribué ce texte à La Meute, dont le seul objet est la publicité sexiste.
Il est pourtant signé de moi seule, et n'engage personne d'autre. Il n'appelle pas à la répression, mais à la prévention. Il s'appuie sur la libération annoncée de Bertrand Cantat pour demander qu'on réfléchisse à un sujet jamais abordé : tous les trois jours, en France, un conjoint meurtrier sort de prison. A-t-il été aidé pendant ce temps d'emprisonnement, a-t-il pu travailler sur les causes de sa violence ?

Pour ceux qui n'ont retenu que les premières lignes, je rappelle les dernières : « L'emprisonnement d'un conjoint meurtrier ne résout rien, puisqu'il n'est nullement une garantie contre la récidive. Il y a tout lieu de craindre la violence de ces hommes à l'encontre de leurs proches ou de leur prochaine conjointe. »
Florence Montreynaud, 21 septembre 2007

La prochaine sortie de prison de Bertrand Cantat, meurtrier de Marie Trintignant, est l'occasion de demander aux pouvoirs publics français de prévenir la récidive en prévoyant des mesures d'encadrement et de rééducation des conjoints agresseurs.

The upcoming release from jail of Bertrand Cantat, murderer of Marie Trintignant, is an opportunity to demand that French public authorities prevent recidivism by adopting monitoring and reeducation measures to control assaultive partners.


Bertrand Cantat a été condamné à une peine de huit ans de prison, pour avoir, en juillet 2003, frappé à mort Marie Trintignant, sa compagne, et l'avoir laissée agoniser toute la nuit sans appeler des secours. Par le jeu des remises de peine, il pourrait être libéré prochainement.
Quatre ans de prison : est-ce donc le prix à payer pour ce crime ?
La justice est-elle égale pour tous les meurtres, et pour tous les meurtriers ? Non. En France, tuer un autre homme coûte plus cher que de tuer sa compagne, les prétendus « crimes passionnels » étant encore trop souvent considérés avec indulgence.

Quel sens donner à cette libération dans un pays où tous les trois jours une femme est tuée par son conjoint et 15 000 sont blessées chaque année, dans un pays où on tarde à prendre conscience des ravages de la violence conjugale masculine, et où on ne consacre pas assez de moyens pour la prévenir et aider ses victimes ?

Tous les trois jours, en France, un conjoint meurtrier sort de prison, après une peine plus ou moins longue, plus ou moins purgée.
Ces condamnés ont-ils été incités à travailler sur eux-mêmes, à prendre conscience de leur dangerosité, à rechercher les causes de leur violence ? Ont-ils pu participer à des groupes d'entraide de condamnés réfléchissant à leur crime ?
Leur sortie de prison a-t-elle été préparée, en prévision du choc qu'est le retour à la liberté, pour eux et pour leurs proches ? Leur a-t-on donné les moyens de maîtriser désormais leur violence ? Bénéficieront-ils d'une aide psychologique et sociale ?
Non ! Aucun traitement, aucune préparation, aucun suivi, ou si peu. Plus que les moyens, c'est la volonté politique qui manque.

Que la libération prochaine de Bertrand Cantat soit l'occasion d'attirer l'attention sur cette imprévoyance, cet aveuglement ! L'emprisonnement d'un conjoint meurtrier ne résout rien, puisqu'il n'est nullement une garantie contre la récidive. Il y a tout lieu de craindre la violence de ces hommes à l'encontre de leurs proches ou de leur prochaine conjointe.

Qu'attendons-nous pour les protéger ? Le prochain meurtre ?

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COMMENTAIRE DE MEMBREs DU RÉSEAU "ENCORE FÉMINISTES!"

Il m'est arrivé à moi aussi parfois d'être frappée par mon mari (il est très irascible)...Tant que je n'ai rien dit, il "n'arrivait pas à se dominer"(c'est ce qu'il disait)...
Par contre, dès le jour où, prenant mon courage à deux mains je lui ai dit :"Tu me frappes encore et je porte plainte au commissariat"...Il a été très fâché que je dise cela, m'a accusée de le "trahir" si je mettais la police au coeur de nos histoires, mais.....depuis il ne m'a plus jamais frappée...
Bien sûr il nous arrive encore de nous disputer, parfois violemment mais ce n'est plus jamais physique...
Emeline Moreau

Quasiment partout on semble se voiler la face, se réfugier derrière un essentialisme puant bordé d'excuses nauséabondes ("Les pauvres hommes, c'est leur testostérone, n'est-ce pas ? Et puis les femmes leur en font tellement voir, aussi"...), alors qu'avec un peu de bonne volonté on devrait pouvoir voir se former par exemple des groupes de parole visant à la déconstruction des normes, et ce dès l'école enfantine ou primaire (remarquez, pour cela il faudrait aussi réformer cet enseignement bien trop souvent marqué par la domination et la compétition) ! L'expression "crime passionnel" est terrible aussi... bientôt, dira-t-on des gens qui savent se comporter correctement qu'ils ne sont pas des amoureux assez ardents et qu'ils ne peuvent alors pas comprendre ?
Il serait nécessaire aussi que les femmes apprennent à s'affranchir davantage de certains prétendus référents masculins, il y a encore beaucoup trop de dépendances et de passivité dans ce domaine... Il y en a qui, pourtant plutôt "grandes gueules" au quotidien, passent absolument tout aux hommes ! Pour finir, il est triste de lire que certains hommes (qui ne sont pourtant pas des ennemis jurés, mais ceux avec qui des femmes ont choisi de vivre a priori, ce qui n'est pas rien !) arrêtent de cogner, juste parce qu'une menace a été proférée. Tout cela n'est pas normal. Un souci quelconque se résout autrement qu'en se disputant sans cesse ou en se vengeant mesquinement voire violemment : apprenons ensemble la communication réelle et le respect, tous genres confondus !"
Charlotte Ricart-Dépret, 15 août 2010

Vous pouvez envoyer des commentaires, de préférence sur le sujet du texte: la prévention des violences conjugales masculines, en particulier pendant l'emprisonnement.

Premières réactions à la mort de Marie Trintignant.