Encore feministes !

Sommaire

Sans haine !

 

Voici la lettre que j’ai envoyée le 27 mai 2003 à Jacqueline Remy, journaliste au magazine français L’Express, au nom des personnes qui organisent la commémoration du massacre antiféministe de la Polytechnique, car j’ai estimé qu’elle portait sur nous un jugement injurieux.

Une réponse identique, datée du 7 août 2003, est parvenue aux personnes qui lui ont écrit dans le même sens.

La lettre de Encore Féministes, ainsi que la réponse de Jacquesline Remy, ont été publiées dans le Courrier des lecteurs du 4 sept. 2003.

J’avais demandé, dans les formes légales, un droit de réponse au directeur de la publication, qui a refusé de me l’accorder.

SANS HAINE !
Lettre ouverte à Jacqueline Remy,
journaliste à L’Express (France)
17 rue de l'Arrivée 75733 Paris cedex 15 France.
courriel : jremy@lexpress.fr

Madame,
L’Express du 24 avril 2003 a publié un article de vous à propos du livre d’Elisabeth Badinter, Fausse route. Cet article contient le passage suivant :
« Elisabeth Badinter (…) regrette l'influence grandissante en Europe du radicalisme anglo-saxon. Comment pourrait-elle partager, par exemple, les accents haineux de ces féministes qui se recueillent chaque année sur les tombes des 14 étudiantes assassinées en 1989 à l'Ecole polytechnique de Montréal (Canada) par un cinglé dont elles font l'archétype du prédateur macho ? Fausse route, là encore. »
http://www.lexpress.fr/Express/Info/Societe/Dossier/feminisme/dossier.asp

Elisabeth Badinter a déclaré [à Florence Montreynaud] que, dans l’interview qu’elle vous avait accordée, elle n’avait jamais mentionné la commémoration du massacre de la Polytechnique, et qu’elle n’abordait pas non plus ce sujet dans son livre. C’est donc à Mme Remy, a-t-elle dit, qu’incombe la responsabilité de cette phrase.

Madame, nous sommes des féministes qui participons, chaque 6 décembre, au Québec, à Paris ou ailleurs, à la commémoration, dans un cadre officiel ou militant, du massacre antiféministe de l’École Polytechnique à Montréal. Dans cette école d’ingénieur-e-s, le 6 décembre 1989, un homme entra, armé d’un fusil. Il pénétra dans une salle de cours, il en fit sortir les hommes, il cria aux femmes : « Je hais les féministes », et il tira, tuant quatorze femmes.

Vous qualifiez l’assassin de « cinglé dont elles font l'archétype du prédateur macho ». Nous n’avons jamais employé les mots de « prédateur macho », car il s’agit de tout autre chose : d’un massacre anti-féministe. Vous estimez que cet homme était simplement « cinglé ». Il avait la haine des féministes, il l’a clamée, et il a commis ces meurtres prémédités, mais c’est tout un système machiste qui a armé son bras : dans le monde, chaque année, des millions de femmes sont battues, violées, vitriolées, torturées, excisées, prostituées, brûlées, lapidées, tuées, parce qu'elles sont des femmes.

Vous écrivez que nous avons des « accents haineux ». Le 6 décembre, jour où nous portons le deuil de ces quatorze femmes et où nous honorons leur mémoire, nous dénonçons, fermement mais sans haine, le système machiste et les violences contre les femmes dont ce massacre est devenu le symbole, au Québec et ailleurs dans le monde.

Nous attribuer des « accents haineux », c’est porter sur nous un jugement mensonger et injurieux, alors que nos manifestations sont toujours dignes, retenues et non-violentes. Avec l’écrivaine Benoîte Groult, nous disons : « Le féminisme n’a jamais tué personne. Le machisme tue tous les jours. »

Madame, nous vous demandons de nous rendre justice et de revenir sur votre phrase.


[Pour information, voici l’action du groupe parisien.
Vous aussi, indiquez les initiatives que vous organisez ou auxquelles vous participez.]

Depuis quatre ans, des féministes se réunissent à Paris, place du Québec, et rappellent le souvenir de quatorze Québécoises, assassinées à l’École Polytechnique parce qu’elles étaient des femmes et qu’elles faisaient des études traditionnellement masculines, ce que l’assassin, qui avait échoué à entrer dans cette école, ne pouvait pas supporter.

Le lieu choisi est symbolique, près du Quartier latin, là où en 1886 des étudiants en médecine brûlèrent en effigie les deux premières femmes reçues à l’internat de médecine. Ici ou ailleurs, hier ou aujourd’hui, des machistes s’opposent par la violence à l’accès des femmes à l’instruction, au savoir et donc au pouvoir. Dans un monde où les deux tiers des analphabètes sont des femmes et des filles, ce sujet reste d’actualité.

Organisée par le réseau "Encore féministes !", la cérémonie du 6 décembre 2002 s’est déroulée en présence de M. Clément Duhaime, délégué général du Québec en France. Après l’appel du nom des femmes assassinées, des fleurs blanches ont été déposées. Puis un groupe de femmes a présenté un spectacle parlé, chanté et dansé, mis en scène par la chorégraphe Hélène Marquié.

Chaque année, des féministes françaises font ainsi écho aux cérémonies qui ont lieu en même temps au Québec. Outre de nombreuses initiatives locales, par exemple de professeur-e-s racontant et expliquant les faits à leurs élèves, se déroule une célébration officielle : à Québec, à l’Assemblée nationale, la ministre de la Condition féminine fait une déclaration en présence de députés et de ministres qui tous portent le ruban blanc, symbole de refus de la violence machiste. Enfin, la Fondation du 6 décembre, créée par des parents des victimes de la Polytechnique, organise un rassemblement à Montréal, près de l’École, là où se trouve un monument avec quatorze stèles à leur mémoire.

Florence Montreynaud, 18 juillet 2003


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LETTRES DE MEMBRES DU RÉSEAU

voir la lettre adressée à Jacqueline Remy par les Québécoises Elaine Audet et Micheline Carrier, avec le texte intégral de la lettre que l’assassin portait sur lui :
http://sisyphe.levillage.org/article.php3?id_article=553

Deux autres arguments:
1) Il est absolument faux de prétendre que "les féministes" se recueillent chaque année sur les 14 tombes des femmes assassinées à l'École Polytechnique. Les victimes ne sont même pas enterrées ensemble, et ce sont plutôt les hommes politiques qui organisent une petite cérémonie pour faire étalage devant les médias de leur soi-disant conscience du problème de la violence sexiste (dont on tend à faire la violence tout court, bien sûr).
"Les féministes" québécoises n'y sont pas, à quelques très rares exceptions près: les femmes de la Fondation du 6 décembre, dont les mères de deux des victimes. Les blàmer d'y être est assez ignoble.
La phrase de J. Remy n'est même pas une question d'interprétation. L'Express crée de toutes pièces une fausse information, comme le fameux mythe des "soutien-gorge brûlés" durant les années soixante. Il faut protester.
2) L'assassin des femmes de Polytechnique a laissé une lettre, publiée au Canada presque un an plus tard, dans laquelle il donne une justification, explicitement antiféministe, de son geste, un texte qui reprend mot pour mot les poncifs habituels de l'idéologie antiféministe et masculiniste. (www.fondationsixdecembre.com/rappel.htm). On peut bien sûr croire que Marc Lépine était déséquilibré ("en ce sens, c'est LUI qui faisait fausse route"), malgré l'absence de preuves à cet effet, mais ce serait de la complicité que de mettre en doute qu'il s'agissait réellement d'un acte antiféministe.
Martin Dufresne, secrétaire du Collectif masculin contre le sexisme


Bien que n'étant ni français, ni canadien, je me suis permis de réagir auprès de Mme Rémy. Voici le message que je lui ai adressé.
J'ignorais complètement l'existence du massacre de la polytech de Montréal. J'ignore si c'est parce que cela s'est passé de l'autre côté de l'océan, ou si c'est parce que j'étais encore trop jeune pour m'en souvenir, mais je trouve ça abominable.

Madame,
Je souhaite réagir à votre article « Fausse route », paru dans L’Express du 24/3/2003, dans lequel vous avez des propos extrêmement durs envers Florence Montreynaud et le réseau « Encore féministes ! ». Je pense particulièrement au passage concernant la commémoration du massacre de la polytechnique de Montréal, le 6/12/1989.
Je suis d’assez près l’action du Réseau « Encore Féministes ! » ainsi que de « La Meute » contre la pub sexiste. Je suis moi-même un homme, ouvert d’esprit sans être masochiste, et je ne me souviens pas avoir lu de la part de Florence Montreynaud la moindre parole de haine, de mépris ou de vengeance envers les hommes en tant que tels. Ne mélangeons pas le ton revendicatif, combatif et légitimement révolté de la communication d’ « Encore féministes ! » avec le verbiage réellement haineux, discriminatoire et imbuvable des avocats de la supériorité masculine.
Le réseau « Encore Féministes ! » s’attaque à un monde, des modes de fonctionnement et des valeurs qui veulent maintenir les femmes dans un statut de bétail, il critique, parfois avec virulence, les hommes (ou les femmes !) qui se font les apôtres du machisme, mais à moins d’un agenda caché, il ne s’agit pas du tout de remplacer la phallocratie par une hystérocratie.
C’est en passe de devenir un cliché, mais Benoîte Groult disait fort justement : « Le féminisme n'a jamais tué personne. Le machisme tue tous les jours. » Commémorer le meurtre de plusieurs femmes, assassinées parce qu’elles étaient des femmes qui n’avaient pas voulu rester « à leur place », ne me semble pas être une déclaration de guerre. Sans sombrer dans le « grand sanglot de l’homme blanc », la situation des femmes n’est toujours pas idyllique, même s’il serait idiot de nier les progrès importants déjà acquis.
Le combat féministe est donc toujours d’actualité et je n’ai pour ma part jamais été confronté à des féministes qui avaient la haine des hommes. J’ai été amené à remettre en cause beaucoup de mes certitudes, j’ai plusieurs fois eu honte de mon sexe en lisant certains témoignages de femmes, j’ai fini par comprendre que dans l’idéologie machiste, les hommes aussi sont finalement prisonniers. Je ne me souviens pas avoir été insulté, attaqué oui agressé verbalement par des membres du réseau « Encore Féministes ! » parce que j’étais un homme.
Je m’étonne beaucoup qu’une publication de haute tenue comme L’Express et une journaliste de votre qualité se laissent ainsi aller à faire des amalgames grossiers entre féministes et groupes violents. L’équation « féministes = talibans en jupe » est l’un de ces clichés que , faute d’arguments valides, le machisme utilise pour tenter de décrédibiliser le mouvement féministe. Il est regrettable que L’Express apporte de l’eau à ce moulin.
Assimiler l’ensemble de ce mouvement aux excès d’une minorité de fondamentalistes anglo-saxonnes effectivement tout à fait excessives et dangereuses est un autre raccourci dangereux, injuste, inexact et inapproprié. Florence Montreynaud ne mange pas de ce pain là, j’ai eu de nombreuses occasions de le constater.
Je vous prie donc de faire en sorte que le droit de réponse que Florence Montreynaud vous adressé ce 27/5/2003 et qui lui a jusqu’à présent été refusé soit publié comme il se doit. Le travail d’ »Encore Féministes ! » est utile est nécessaire et ne mérite en aucune manière d’être discrédité.
Bien à vous,
Laurent Leemans Bruxelles, Belgique

Madame,
J'apprécie beaucoup Elisabeth Badinter et j'ai lu avec beaucoup d'intérêt son interview et l'article la concernant dans l'Express du 24 avril 2003.
J'ai été à ce moment-là un peu étonnée de la phrase suivante: "Comment pourrait-elle partager, par exemple, les accents haineux de ces féministes qui se recueillent chaque année sur les tombes des 14 étudiantes assassinées en 1989 à l'Ecole polytechnique de Montréal (Canada) par un cinglé dont elles font l'archétype du prédateur macho ? "
En effet, s'il y a plusieurs courants parmi les féministes et si les relations entre les féminsites sont parfois très tendues sur certains sujets (prostitution, pornographie, loi sur la parité, etc), il y a toute une série de choses sur lesquels nous sommes d'accord et nous partageons toutes les mêmes valeurs d'égalité. La commémoration du massacre de l'école polytechnique de Montréal est un événement qui n'a jamais, jusqu'à présent, divisé les féministes: cette commémoration est très importante pour certaines, elle laisse d'autres tout-à-fait indiférentes. Mais au cours de mes contacts réguliers avec différents milieux féministes, je n'ai jamais entendu quelqu'un critiquer cette commémoration. Si je rejoins tout-à-fait Elisabeth Badinter lorsqu'elle dit qu'il arrive que des féministes tiennent parfois des propos misandres (ce que je n'approuve pas), j'ai été étonnée de lire qu'elle remettait en question cette commémoration en raison "d'accents haineux vis-a-vis d'un archétype du prédateur macho". Mais je me suis dit qu'elle avait la liberté d'opinion et d'expression et que si elle percevait cette commémoration de la sorte et si effectivement lors des commémorations il y avait des "accents haineux", il était normal qu'elle en fasse part à une journaliste.
Aujourd'hui, j'apprends par un e-mail de Florence Montreynaud, qu'Elisabeth Badinter N'A PAS évoqué la commémoration du massacre de l'école polytechnique de Montréal lors de son interview. Cette phrase est donc de vous et non d'Elisabeth Badinter. J'apprends également que Florence Montreynaud vous a demandé un droit de réponse parce que cette phrase est non seulement une déformation complète des propos d'Elisabeth Badinter, mais est en plus insultante à l'égard des personnes qui militent pour une société égalitaire et pour qui cette commémoration est importante. Mais ce droit de réponse a été refusé.
Je vous demande donc de rectifier l'article que vous avez publié pour qu'il reflète fidèlement les propos d'Elisabeth Badinter et soit fidèle aux propos tenus lors des commémorations du massacre de l'ecole polytechnique de Montréal. Si vous ne répondiez pas à ma demande, je douterai à l'avenir du sérieux de votre journal et je ne l'acheterai plus.
Bien à vous,
Marie-Hélène Lahaye
conseillère municipale, Bruxelles


J'avais pris pour "argent comptant" que les déclarations de votre article provenaient de Madame Badinter que j'avais trouvé alors très injuste et mal renseignée. Oser ainsi attaquer ses consoeurs de lutte pour l'égalité entre les hommes et les femmes m'avait semblé tout à fait incohérent, mais même une intellectuelle du niveau de madame Badinter peut se tromper , ça ne retire rien à certaines de ses analyses fort pertinentes.
Je tiens à vous dire que je ne me sens pas haineuse.
Quand je me suis penchée pour déposer une rose en mémoire d'une de ces étudiante québécoise assassinée par "ce dingue" comme vous l'appelez , ce n'est pas de la haine que j'ai ressentie mais une grande tristesse pour ces vies gâchées, et une grande émotion en pensant à leurs familles.
Je suis féministe , je suis écologiste , je suis pacifiste , je donne de mon temps, de mon énergie, pour que notre planète soit vivable, pour que les femmes y aient toute leur place, pour que la loi du plus fort et de l'argent ne régisse pas nos vies . Je ne me reconnais nullement dans votre article . Cet article me semble dicté par de mauvais sentiments qu'il vous faudrait réviser , pour nous rejoindre dans notre lutte indispensable à toutes et à tous. Croyez nous , nous ne faisons pas fausse route, nous n'avons pas la presse de notre côté, nous sommes des militantes de l'ombre, mais nos convictions sont bien ancrées, et elles progressent doucement sans violence et dans la bonne direction.
Cordialement
Anny Poursinoff
membre de la commission femmes des Verts

Madame, les mouvements féministes sont sans haine - encore que la haine soit légitime.
Personnellement, j'éprouve des sentiments haineux, face à vos déclarations par exemple, mais ne tue point.
La justice n'est pas question d'amour - ou de haine.
La véracité des faits, au sujet du massacre des femmes, est que les femmes sont tuées, parce que ce sont des femmes. Tel était le cas des femmes assassinées au Quebec. L'assassin était haineux, ce qui, à mes yeux , a peu d'importance - s'il était capable de hair, sans abimer, sans tuer, sans causer la moindre injustice.
Mais il a assassiné ces femmes, ce qui est sans appel.
La haine n'est pas interdite, le meurtre l'est.
Votre texte est donc bien curieux: vous condamnez les mouvements feministes, pour des sentiments haineux que vous leur pretez, et qu'elles ont ou non.
Vous ne condamnez pas l'assassin, haineux certes, mais surtout assassin.
Carine Libermann

Madame,
je ne lis pas l'Express, sinon j'aurais réagi dés la lecture de votre article dans le N° du 24 Avril 2003, dont j'ai eu connaissance par La Meute dont je suis membre et fière de l'être.
Vous y fustigiez les "accents haineux" des féministes.Mais ce sont vos propos, Madame qui sont haineux, non ceux que nous tenons.
Comme beaucoup de femmes qui sont parvenues à se faire au soleil une place apparemment égale à celle des hommes qui ont "réussi", vous détestez les féministes, potentielles rivales, car elles réclament leur juste place.
En défendant le système qui maintient la grande majorité des femmes dans des situations inférieures à celles qu'elles auraient les compétences d'occuper, vous briguez, consciemment ou non, l'aval de vos confrères masculins.
Ne vous y trompez pas : vous l'aurez tant que VOUS ne leur ferez pas de l'ombre. Sinon vous aurez à souffrir de leur férocité. Vous saurez alors d'où vient la haine.
Je constate ce phénomène souvent, et même à de tout petits niveaux comme un Comité de Quartier ou un syndicat.
Je vous plains de graviter dans ce milieu, mais je plains mille fois plus les femmes que je côtoie et qui en bavent dans ce système social que vous cautionnez.
Eliane Crouzet, Nîmes

Madame,
Dans L'Express du 24 avril 2003, vous parlez des « … accents haineux de ces féministes qui se recueillent chaque année sur les tombes des 14 étudiantes assassinées en 1989 à l'Ecole polytechnique de Montréal (Canada) par un cinglé dont elles font l'archétype du prédateur macho ? Fausse route, là encore. »
Où avez-vous vu de la haine dans le recueillement des hommes et des femmes sur les tombes des étudiantes tuées par un homme qui, lui, a crié qu’il « haïssait » les féministes avant de réaliser son acte meurtrier ? Croire que ces individus répondent à la haine par la haine, c’est, je crois, faire fausse route.
Le mépris envers les féministes est une profonde injustice car c’est oublier que ce sont elles et eux qui ont fait et continuent de faire évoluer le monde vers le respect mutuel entre les sexes. Nier cela, c’est leur faire du tort et c’est aller à l’encontre de ce changement vers un monde meilleur.
Si le statut des femmes s’est nettement amélioré dans le monde, notamment dans notre pays, si les femmes ont plus de chances d'être épanouies aujourd'hui qu'autrefois, c’est grâce aux mouvements de femmes et d’hommes qualifiés de féministes. Malheureusement, aujourd’hui, encore beaucoup trop de femmes souffrent de violences physiques ou morales, d'injustices du seul fait qu'elles sont femmes et cela est, il me semble, inacceptable. De nombreuses femmes n’ont toujours pas les mêmes droits, les mêmes chances dans le monde et même en France. En effet, il faut du temps pour faire évoluer les mentalités, c’est pourquoi, même si les lois protègent les femmes, elles sont dans les faits encore trop souvent victimes du machisme, directement ou indirectement.
Les hommes et les femmes « féministes » ne font que prendre conscience de cette réalité et tenter de la faire disparaître.
Ainsi le seul but des féministes est d’atteindre un monde plus juste où chacun, qu’il soit homme ou femme, serait respecté sans aucune discrimination, quelle qu'elle soit. Je crois que c’est une volonté des plus nobles qu’il faut respecter, d’autant plus quand on est une femme qui bénéficie aujourd’hui des droits acquis grâce aux féministes du passé.
C’est la raison pour laquelle je souhaite vivement que vous reveniez sur vos propos qui ont porter atteinte aux mouvements qui prônent le respect des droits des femmes.
Dans l’attente de votre réponse, je vous prie d’agréer, Madame, mes salutations distinguées.
Carole Ledoux

Madame,
Française vivant au Québec depuis plus de 10 ans, et ayant eu la chance d'avoir accès à de l'information éclairée sur la condition des femmes dans le monde, je trouve votre déclaration d'une ignorance profonde, et d'un aveuglement relevant du déni le plus pur. Je vous conseille de lire la déclaration de l'ONU sur la violence faite aux femmes, si cela est soutenable pour vous. J'ai quitté la mentalité parfois très rétrograde de la France, et de certains de ses représentants et représentantes, mais grâce à Florence Montreynaud, j'ai accès, d'ici, à des perles qui feront partie des annales.
Je pourrais bien en rire, si je ne travaillais depuis 10 ans auprès de femmes victimes de tous types de violence, mais j'en pleurerais plutôt pour elles, et avec elles, étant donné l'insulte qui leur est faîte. Il est difficile de voir l'intolérable, et nos stratégies de défense se chargent de nous faire nier la vérité.
Il est parfois difficile, même pour une femme, de réaliser que l'on fait partie du ''deuxième sexe'', et en même temps, il est plus facile d'être du côté de ceux qui crachent sur les féministes, mais cela est un peu plus lâche. Je peux vous comprendre quelque part, mais sachez que personnellement, j'ai beaucoup appris sur moi-même dans cette société si avancée qu'est le Québec, et grâce entre autres aux femmes qui ont bâti ce si beau pays.
Je vous souhaite un éclair de conscience, et peut-être quelques larmes afin que votre coeur s'ouvre un petit peu sur les milliers de victimes qui meurent quotidiennement car ce sont des femmes,
Cordialement,
Nathalie Jalicke

Je vous écris pour vous dire que je ne comprends pas votre position vis-à-vis des féministes qui, en commémorant chaque année le massacre à l'École polytechnique de Montréal, ne font que rappeler à l'opinion publique que, oui encore au XXe siècle et même en ce XXIe siècle, des femmes sont majoritairement victimes de la violence masculine. Il suffit de lire les faits divers dans les journaux, de s'attarder un peu sur ce qui se passe dans les cités, mais surtout, dans le monde, pour s'en rendre compte !!!! Ce n'est pas la haine qui les porte mais certainement plus l'indignation et la révolte face à cette aberration de l'humanité !
Non, je ne vous comprends décidément pas car il reste tant à faire pour l'évolution des mentalités. Moi, je suis très fière de ces féministes qui luttent, au-delà des clivages politiques, pour que chaque jour recule la loi du silence, de la résignation et du fatalisme qui minimise l'oppression des femmes. Rien n'est acquis et les féministes le savent bien...
Non, décidément, je ne vous comprends pas !
Laurence Pelletier (Marne).

Réponse de Jacqueline Remy

Paris, le 7 août 2003
Madame,

Vous m’avez écrit, comme d’autres, après la publication du dossier que j’ai réalisé autour du livre d’Elisabeth Badinter. Je comprends parfaitement que vous ne soyez pas d’accord avec ses thèses et que vous critiquiez la tonalité générale de cet article : vos réactions enrichissent le débat sur des questions auxquelles on ne peut, dans un sens ou un autre, répondre de façon simpliste. Florence Montreynaud a adressé au journal un droit de réponse auquel le service juridique n’a pas donné suite car il n’entrait pas dans le format juridique adéquat. Ce détour nous a fait perdre un peu de temps.

Je suis tout-à-fait disposée à faire état de la réaction de Florence Montreynaud et de ses amies, et je l’aurais fait plus tôt si je n’étais pas partie en vacances en juin. Il sera fait écho de cette réaction dans le numéro du 28 août [en réalité, du 4 septembre. NDR]. Par ailleurs, nous traitons souvent de la condition des femmes, et rien ne nous empêche d’aborder de nouveau la question des violences.

En ce qui concerne la phrase qui me vaut votre réaction indignée, il y a un point que je ne comprends pas : quand je parle des « accents haineux » des féministes canadiennes, je ne fais injure à personne. Que je sache, prêter de la haine à quelqu’un insulte moins celui qui est censé l’éprouver que celui qu’elle vise. Certains actes de barbarie méritent qu’on haïsse leurs auteurs, il me semble.

En l’occurrence, je me permettais d’émettre des doutes sur le terrain choisi. La cause est excellente _ bien sûr, il faut dénoncer les violences , même si le féminisme ne devrait pas se cantonner à une attitude défensive _ mais choisir pour archétype un homme qui me paraît, de toute évidence, un malade mental affaiblit le propos. Il y a suffisamment de dangereux salauds satisfaits, machistes en toute conscience, pour ne pas aller se battre contre ce genre de fou. Cette réserve est effectivement dans la logique de celles qu’énonce Elisabeth Badinter.

Soyez assurée que je respecte infiniment l’essence de votre combat. Je pense, moi aussi, qu’il y a encore du chemin à faire, à travers le monde, pour arracher les femmes à la résignation et à l’oppression. Je vous remercie d’avoir pris la peine de me faire part de votre réaction. Cordialement.
Jacqueline Remy